Avis CNC 162/1 - Traitement comptable de l'usufruit d'actions acquis à titre onéreux 

La Commission a formulé l'avis suivant relatif au traitement dans les comptes d'une entreprise, de l'usufruit d'actions acquis à titre onéreux. 

  1. L'arrêt royal du 8 octobre 1976 règle explicitement le cas de l'acquisition en usufruit d'immobilisations corporelles, en prévoyant leur inscription sous la rubrique III.A. «Terrains et constructions»1 . Il s'ensuit que ces immobilisations acquises en usufruit sont portées dans les comptes à leur valeur d'acquisition, sous déduction des amortissements et réductions de valeur actées et que, si leur durée d'utilisation est limitée dans le temps - ce qui sera toujours le cas pour un usufruit - cette valeur d'acquisition est prise en charge de manière échelonnée sur la durée d'utilité ou d'utilisation du bien. En l'espèce, cette durée sera, soit la durée de l'usufruit, soit si elle est moindre, la durée d'utilisation économique probable du bien.
     
  2. Les mêmes principes trouvent à s'appliquer, en vertu des dispositions de l'arrêté de 1976, aux «droits d'exploitation de biens fonds, de brevets, licences, marques et droits similaires appartenant à des tiers ... lorsque ces droits ont été acquis à titre onéreux par l'entreprise2
     
  3. L'arrêté royal susvisé ne traite pas de manière explicite de l'acquisition à titre onéreux, en usufruit, d'immobilisations financières ou d'actions relevant de l'actif circulant. Il y a lieu toutefois de considérer que les mêmes principes doivent trouver application de manière analogue, mais compte tenu de la nature et des caractéristiques des biens en cause et des droits de l'usufruitier tels qu'ils résultent de la convention par laquelle l'usufruit a été acquis. Ainsi, si l'usufruit porte sur des actions de placement, des réductions de valeur seront actées dans la mesure où la valeur d'acquisition en usufruit des titres en cause excède leur valeur de réalisation à la date de clôture de l'exercice. Ces réductions de valeur, qui ne seront dès lors pas linéaires, devront avoir pour but de ramener la valeur comptable à la valeur de réalisation, celle-ci étant généralement l'actualisation au taux en vigueur des flux de trésorerie futurs estimés dont l'usufruitier bénéficiera pendant la durée de son droit en raison du bien qu'il possède en usufruit. Ainsi, si les perspectives de dividendes s'améliorent, la valeur de réalisation pourra être supérieure à ce que donnerait un «amortissement» linéaire.
     
  4. Les principes rappelés ci-dessus ne trouvent toutefois à s'appliquer que dans la mesure où, indépendamment de la qualification donnée par les parties à leur convention, on se trouve devant un véritable usufruit, au sens du Code civil, c'est-à-dire d'un droit réel conférant à l'usufruitier le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance. 

    Par ailleurs, il est évident que, pour la traduction des opérations dans les comptes, il y a lieu d'examiner leur portée réelle et, selon le prescrit de l'article 1156 du Code civil, d'avoir égard à la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes; par ailleurs, il y a lieu d'avoir égard à l'article 1161 du même Code aux termes duquel toutes les clauses de conventions s'interprètent les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier. Cette approche rejoint le principe comptable admis de manière universelle «substance over form». 
    Si la plupart des caractéristiques que la loi ou les usages rattachent à l'usufruit se voyaient exclues ou modalisées par voie conventionnelle, de sorte que la nature juridique réelle de l'opération ne correspondrait plus à la qualification que les parties lui ont donnée, sa traduction comptable devrait tenir compte des situations juridiques réelles mises en place. Tel serait notamment le cas si, par l'effet de la convention intervenue considérée dans son ensemble ou de conventions étroitement liées, le droit de l'usufruitier perdait son caractère de droit réel - lié au bien sur lequel il porte et circonscrit à celui-ci - pour se transformer, en vertu de clauses prévoyant des modalités et garanties diverses, en un droit de créance, sous l'angle juridique comme sous l'angle économique. 
     
  5. Si, par application des principes précités, une opération devait être qualifiée non pas comme un usufruit mais comme un droit de créance représentant un placement à revenu fixe, ce droit devrait être classé à l'actif sous la rubrique correspondante et les sommes perçues en vertu de ce droit devraient, quant au principal, être imputées, sans transiter par le compte de résultats, au prix payé pour son acquisition. 
  • 1Voir l'alinéa 2 de la définition de cette rubrique introduite par l'article 48, 3° de l'arrêté royal du 12 septembre 1983.
  • 2Cf. définition de la rubrique II. «Immobilisations incorporelles».