COMMISSION DES NORMES COMPTABLES

Avis CNC 2024/08 – Impact de la hausse des critères de taille pour les A(I)SBL et fondations

Avis du 11 septembre 20241

Introduction

Fin 2023, la Commission européenne a revu à la hausse les critères de taille pour les entreprises et les groupes, en adoptant la directive déléguée 2023/2775 du 17 octobre 2023 modifiant la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’ajustement des critères de taille pour les micro-, petites, moyennes et grandes entreprises ou pour les groupes2 . Ce rehaussement est motivé par la volonté de tenir compte de la forte inflation qui a marqué ces dernières années.3

La Belgique a transposé la directive déléguée 2023/2775 en premier lieu par la loi du 28 mars 2024 portant dispositions en matière de digitalisation de la justice et dispositions diverses Ibis4 . Cette loi a uniquement rehaussé les seuils des articles 1:24, § 1er, 1:25, § 1er et 1:26, § 1er du Code des sociétés et des associations (ci-après : CSA) et ne concerne donc que les sociétés et les groupes de taille réduite. Cette loi a également relevé les seuils des articles 3:47 et 3:51 du CSA concernant la possibilité offerte aux associations et fondations d'établir leurs comptes annuels selon un modèle simplifié. La loi du 28 mars 2024 a été amendée par la loi du 15 mai 2024 portant dispositions en matière de digitalisation de la justice et dispositions diverses II5 , qui prévoit un régime transitoire pour l’entrée en vigueur des seuils relevés. Le rehaussement des critères de taille des sociétés est traité dans un avis distinct.

Le législateur belge a également décidé de relever les critères de taille des associations et des fondations. Les seuils des associations et fondations ont été rehaussés par l’arrêté royal du 25 mai 2024 modifiant le Code des sociétés et des associations en ce qui concerne l'ajustement des critères de taille pour les micro- et petites associations et fondations6 .

Rehaussement des seuils

En ce qui concerne les seuils des petites A(I)SBL (art. 1:28, CSA) et des petites fondations (art. 1:30, CSA), le montant du chiffre d’affaires annuel hors TVA est passé de 9.000.000 à 11.250.000 euros et le montant du total du bilan, de 4.500.000 à 6.000.000 euros.7

En ce qui concerne les seuils des micro-A(I)SBL (art. 1:29, CSA) et des microfondations (art. 1:31, CSA), le montant du chiffre d’affaires annuel hors TVA est passé de 700.000 à 900.000 euros et le montant du total du bilan, de 350.000 à 450.000 euros.8

Les seuils relatifs au nombre de travailleurs en moyenne annuelle n'ont pas été adaptés dans les articles 1:28, § 1er, 1:29, § 1er, 1:30, § 1er, et 1:31, § 1er du CSA.

Outre les seuils relatifs aux critères de taille du Livre 1er du CSA, la révision à la hausse porte également sur la limite en deçà de laquelle les A(I)SBL (art. 3:47, § 2, CSA) et les fondations (art. 3:51, § 2, CSA) peuvent tenir une comptabilité simplifiée et établir leurs comptes annuels selon le modèle simplifié. Le montant du total des recettes, autres que non récurrentes, hors taxe sur la valeur ajoutée passe de 334.500 à 391.000 euros, et le montant des avoirs et celui des dettes passe de 1.337.000 à 1.562.000 euros.9 De nouveau, le seuil relatif à la moyenne annuelle du nombre de travailleurs occupés n’est pas révisé.

Entrée en vigueur

L’AR du 25 mai 2024 dispose ce qui suit :

« Le présent arrêté s'applique aux exercices commençant après le 31 décembre 2023, les règles énoncées aux articles 1:28, § 2, 1:29, § 2, 1:30, § 2, en 1:31, § 2, du Code des sociétés et des associations, ne sont pas applicables, et ce pour une seule fois, au premier exercice commençant auprès le 31 décembre 2023 ».10

Pour déterminer si une association ou fondation11 est petite ou « grande »12 pour un exercice qui a commencé après le 31 décembre 2023, il suffit d’appliquer les critères de taille (majorés) aux chiffres du dernier exercice clôturé. L’effet différé est ponctuellement neutralisé.

Les seuils relevés des articles 3:47, § 2 et 3:51, § 2 du CSA « s'applique[nt] aux exercices commençant après le 31 décembre 2023 ».13

Exemples

Exemple 1 : l’exercice coïncide avec l’année civile

Une ASBL tient sa comptabilité par année civile. Elle était considérée comme petite pour les exercices 2021, 2022 et 2023. L’association présente les chiffres suivants14 :

  31/12/2023 31/12/2024 31/12/2025
Nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle 12 11 8
Chiffre d'affaires 750.000 600.000 400.000
Total du bilan 400.000 475.000 425.000

Pour déterminer si l’association est considérée comme une petite association ou une micro-association pour l’exercice 2024 (c.-à-d. le premier exercice commençant après le 31 décembre 2023), il suffit de vérifier si elle dépasse plus d'un des critères ajustés de l’article amendé 1:29 du CSA au 31 décembre 2023 (c.-à-d. la « date de bilan du dernier exercice clôturé »). 

A la date de clôture du bilan du 31 décembre 2023, l’association ne dépassait qu'un des critères de l’article 1:29 du CSA : 

  • nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle : 12 > 10 ;
  • chiffre d’affaires : 750.000 < 900.000 ;
  • total du bilan : 400.000 < 450.000.

Aucun seuil de l’article 1:28 du CSA n’est dépassé. L’association est dès lors considérée comme une micro-association pour l’exercice 2024.

À partir de l'exercice suivant (c.-à-d. l'exercice commençant le 1er janvier 2025), l’approche classique s'applique à nouveau, à savoir que si plus d'un des critères de l'article 1:29 du CSA est dépassé ou ne l'est plus, cela n'aura d'incidence que si cette circonstance se produit pendant deux exercices consécutifs. Dans ce cas, l'incidence prendra effet à partir de l'exercice suivant l'exercice au cours duquel, à la date de bilan, plus d'un des critères a été dépassé − ou ne l'était plus − pour la deuxième fois. 

A la date de clôture du bilan du 31 décembre 2024, l’ASBL a dépassé plus d'un des critères :

  • nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle : 11 > 10 ;
  • chiffre d’affaires : 600.000 < 900.000 ;
  • total du bilan : 475.000 > 450.000.

Le dépassement de plus d'un des critères au 31 décembre 2024 constitue un premier dépassement, tandis qu'un changement de catégorie n'intervient que si cette circonstance se produit pendant deux exercices consécutifs. L’ASBL est donc toujours considérée comme une micro-association pour l’exercice 2025.

A la date de clôture du bilan du 31 décembre 2025, l’association n'a dépassé aucun des critères de l’article 1:29 du CSA :

  • nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle : 8 < 10 ;
  • chiffre d’affaires : 400.000 < 900.000 ;
  • total du bilan : 425.000 < 450.000.

L’association reste une micro-association pour l’exercice qui prend cours le 1er janvier 2026.

Exemple 2 : comptabilité simplifiée

Outre les critères des articles 1:28 et 1:29 du CSA, les administrateurs d'ASBL peuvent également tenir compte des seuils de l’article 3:47, § 2 du CSA.

Considérons qu'une ASBL dispose, à la date de bilan du 31 décembre 2023, 375.000 euros de recettes autres que non récurrentes (hors TVA), 1.325.000 euros de dettes et 1.425.000 euro d’avoirs ; ainsi que d'une moyenne annuelle de 8 travailleurs en équivalents temps plein. A cette date-là, l’ASBL dépasserait donc trois des quatre anciens critères de l’article 3:47, § 2 du CSA :

-    Nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle : 8 > 5 ;
-    Recettes autres que non récurrentes : 375.000 > 334.500 ;
-    Montant des avoirs : 1.425.000 > 1.337.000 ;
-    Montant des dettes : 1.325.000 < 1.337.000.

L’ASBL peut donc toutefois appliquer les seuils relevés de l’article 3:47, § 2 du CSA pour l’exercice qui prend cours le 1er janvier 2024 afin de déterminer si elle peut tenir une comptabilité simplifiée15 lors de l’exercice 2024, et établir et déposer des comptes annuels selon le modèle simplifié. Sur la base des nouveaux seuils relevés, un seul des critères de l’article 3:47, § 2 du CSA est dépassé :

-    Nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle : 8 > 5 ;
-    Recettes autres que non récurrentes : 375.000 < 391.000 ;
-    Montant des avoirs : 1.425.000 < 1.562.000 ;
-    Montant des dettes : 1.325.000 < 1.562.000.

Etant donné que la loi ne prévoit pas d’effet différé pour l’application de ces critères de taille, l’ASBL peut directement tenir une comptabilité simplifiée lors de l’exercice 2024, et établir et déposer ses comptes annuels selon le modèle simplifié.

Exemple 3 :  l’exercice ne coïncide pas avec l’année civile

Une ASBL travaille avec des exercices comptables qui ne coïncident pas avec les années civiles ; ils se clôturent les 30 juin. Elle était considérée comme « grande » pour les exercices qui ont pris cours en 2022 et 2023. L’ASBL présente les chiffres suivants16 :

  30/06/2024 30/06/2025 30/06/2026
Nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle 45 55 60
Chiffre d'affaires  10.000.000 11.000.000 12.000.000
Total du bilan 7.500.000 8.000.000 8.500.000

Pour déterminer si l’ASBL est considérée comme petite ou « grande » pour l’exercice allant du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025 (c.-à-d. le premier exercice commençant après le 31 décembre 2023), il suffit de vérifier si elle dépasse plus d'un des critères ajustés de l’article amendé 1:28 du CSA au 30 juin 2024 (c.-à-d. la date de bilan du dernier exercice clôturé). 

A la date de clôture du bilan du 30 juin 2024, l’ASBL ne dépassait qu'un des critères de l’article 1:28 du CSA : 

-    Nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle : 45 < 50 ;
-    Chiffre d’affaires : 10.000.000 < 11.250.000 ;
-    Total du bilan : 7.500.000 > 6.000.000.

L’ASBL est dès lors considérée comme une petite ASBL pour l’exercice qui prend cours le 1er juillet 2024.

A partir de l’exercice suivant, c’est-à-dire l’exercice qui commence le 1er juillet 2025, il convient à nouveau d'appliquer l'approche classique. En d’autres termes, si plus d'un des critères de l’article 1:28 du CSA est dépassé ou ne l’est plus, cette circonstance n’a d'incidence que si elle se produit pendant deux exercices consécutifs. Dans ce cas, l'incidence prendra effet à partir de l'exercice suivant l'exercice au cours duquel, à la date de bilan, plus d'un des critères a été dépassé − ou ne l'était plus − pour la deuxième fois. 

A la date de clôture du bilan du 30 juin 2025, l’ASBL a dépassé plus d'un des critères :

-    Nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle : 55 > 50 ;
-    Chiffre d’affaires : 11.000.000 < 11.250.000 ;
-    Total du bilan : 8.000.000 > 6.000.000.

A la date de clôture du bilan du 30 juin 2025, l’ASBL dépasse pour la première fois plus d'un des critères. Un changement de catégorie n'intervient que cette circonstance se produit pendant deux exercices consécutifs. L’ASBL demeure donc une petite ASBL pour l’exercice qui prend cours le 1er juillet 2025.

A la date de clôture du bilan du 30 juin 2026, l’ASBL dépasse tous les critères :

-    Nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle : 60 > 50 ;
-    Chiffre d’affaires : 12.000.000 > 11.250.000 ;
-    Total du bilan : 8.500.000 > 6.000.000.

A la date de clôture du bilan du 30 juin 2026, l’ASBL a de nouveau dépassé plus d'un des critères. Par conséquent, l’ASBL est de nouveau considérée comme « grande » pour l’exercice qui prend cours le 1er juillet 2026. 

Exemple 4 :  impact du rehaussement des critères à plus long terme 

Supposons qu'une fondation clôture son exercice comptable le 31 décembre. En rouge sont indiqués les chiffres qui dépassent les critères17 .18 Afin de déterminer la taille de la fondation pour les exercices prenant cours après le 31 décembre 2023, il convient de se baser sur les seuils relevés. 

Fin 31.12   31.12.2021     31.12.2022   31.12.2023     31.12.2024     31.12.2025     31.12.2026  
Personnel 60 60 60 60 60 60
CA 10 10 10 11 12 12
Total du bilan 4,8 4,8 4,8 5,2 5,2 5,2
Critères anciens anciens nouveaux nouveaux nouveaux nouveaux

Pour l’exercice comptable 2023, la fondation est considérée comme « grande » (vu qu’elle dépasse plus d'un des « anciens » seuils en 2021 et 2022).

Pour l’exercice comptable 2024, la fondation est considérée comme petite (vu qu’à la date de bilan du 31 décembre 2023, elle ne dépasse pas plus d'un des seuils relevés).

Pour l’exercice comptable 2025, la fondation est considérée comme petite (vu qu’aux dates de bilan des 31 décembre 2023 et 2024, elle ne dépasse pas plus d'un des seuils relevés).

Pour l’exercice comptable 2026, la fondation est considérée comme petite (vu qu’à la date de clôture du bilan du 31 décembre 2024, elle ne dépasse pas plus d'un des seuils relevés - alors qu’à la date de clôture du bilan du 31 décembre 2025, elle dépasse plus d'un des seuils relevés).

Pour l’exercice comptable 2027, la fondation est considérée comme « grande » (vu qu’elle dépasse plus d'un des seuils relevés aux dates de bilan des 31 décembre 2025 et 2026).

  • 1Le présent avis a été élaboré après la publication pour consultation publique d’un projet d’avis le 19 juillet 2024 sur le site de la CNC.
  • 2Directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil (la directive comptable).
  • 3Considérants 2, 3 et 4, directive 2023/2775.
  • 4Ci-après : loi du 28 mars 2024 ; MB 29 mars 2024.
  • 5Ci-après : loi du 15 mai 2024 ; MB 28 mai 2024.
  • 6Ci-après : AR du 25 mai 2024 ; MB 7 juin 2024.
  • 7Art. 1 et 3, AR du 25 mai 2024.
  • 8Art. 2 et 4, AR 25 mai 2024.
  • 9Art. 150 et 151, loi du 28 mars 2024.
  • 10Art. 5, AR 25 mai 2024.
  • 11L’AR du 25 mai 2024 s’applique uniquement au rehaussement des seuils des critères de taille des A(I)SBL et fondations déterminés dans les articles 1:28, 1:29, 1:30 et 1:31 du CSA. Cet AR, ainsi que la disposition transitoire de l’article 5, ne s’appliquent pas aux critères de taille des sociétés (déterminés dans les articles 1:24, 1:25 et 1:26 du CSA), relevés par la loi du 28 mars 2024. L’article 170 de la loi du 28 mars 2024 contient une disposition transitoire formulée différemment de celle de l’article 5 de l’AR du 25 mai 2024, de sorte que les deux dispositions transitoires doivent être analysées de façon distincte. L’analyse de la disposition transitoire de la loi du 28 mars 2024 se trouve dans l’avis CNC 2024/07 – Impact de la hausse des critères de taille des associations du 11 septembre 2024.
  • 12Le CSA définit ce qu'il convient d’entendre par « petite A(I)SBL ou fondation », mais ne reprend pas de définition d'une « grande » A(I)SBL ou fondation. Dans le présent avis, l’on entend par « grande A(I)SBL ou fondation » une A(I)SBL ou fondation qui ne satisfait pas aux critères permettant d’être considérée comme petite.
  • 13Art. 170, alinéa 1er, loi du 28 mars 2024. L’effet différé ne vaut pas pour les articles 3:47 et 3:51 du CSA ; l’article 170, alinéa 2 de la loi du 28 mars 2024 ne trouve dès lors pas à s’appliquer au rehaussement des seuils concernés.
  • 14En rouge sont indiquées les données qui dépassent les seuils majorés.
  • 15Art. III.85, § 2, Code de droit économique.
  • 16En rouge sont indiquées les données qui dépassent les seuils majorés.
  • 17Dans la dernière ligne du tableau qui suit, il est indiqué s’il convient d’appliquer les anciens ou les nouveaux seuils des critères de taille aux chiffres des dates du bilan figurant à la première ligne.
  • 18Dans le tableau, les montants du chiffre d'affaires et du total du bilan sont exprimés en millions.