COMMISSION DES NORMES COMPTABLES

Avis CNC 2011/12 - Dérogation relative à la monnaie fonctionnelle: implications pratiques et procédure

Avis du 4 mai 2011

Introduction

La procédure à suivre pour l’introduction d’une demande de dérogation est prévue par l’article 14 de la Loi comptable du 17 juillet 1975 et l’article 125, § 1er, du Code des sociétés.

Dans certains cas exceptionnels, l'établissement des comptes annuels en euro peut s’avérer inadéquat car il implique, par le biais de différences de change ou de conversion, des distorsions importantes par rapport à la réalité économique.1  Dans l’avis 117/3 Tenue de la comptabilité et établissement des comptes annuels dans une monnaie autre que l’euro, la Commission a défini les conditions auxquelles devront répondre ces demandes de dérogation.2  Cet avis a été complété par l’avis 2009/10 pour ce qui concerne la détermination de la monnaie fonctionnelle des sociétés de financement.3  

Cependant, la Commission estime souhaitable de fournir des éclaircissements additionnels.

Conversion des actifs, des passifs, des charges et des produits suite à l’obtention de la dérogation en matière de monnaie fonctionnelle au cours de l’exercice

En 2010, la Commission a publié un avis relatif au traitement des écarts de conversion qui apparaissent lors de la conversion du capital suite à l'obtention d'une dérogation en matière de monnaie fonctionnelle.4

Dans cet avis, la Commission a déjà indiqué que les entreprises qui se voient octroyer une dérogation en matière de monnaie fonctionnelle peuvent tenir leur comptabilité dans la monnaie fonctionnelle à partir de la date de la conversion du capital social dans cette monnaie. Dans ce cas, la conversion du capital ainsi que des autres éléments du bilan et du compte de résultats est effectuée simultanément et au cours applicable à cette date.

Dans d’autres cas, les sociétés convertissent le capital social dans la monnaie fonctionnelle pendant l’exercice qui précède l’exercice au cours duquel la comptabilité sera tenue dans cette monnaie fonctionnelle. Dans ce cas, le capital social sera converti dans la monnaie fonctionnelle au taux de change applicable à la date de l’acte notarié. Les écarts de conversion qui apparaissent suite à cette situation sont traités conformément à ce qui est repris dans l’avis 2010/4.  

Il a par ailleurs été demandé à la Commission de fournir des éclaircissements en ce qui concerne la conversion des autres éléments de l’actif et du passif du bilan et des éléments du compte de résultats, lorsqu’une société, dont le capital social a déjà été converti, n’obtient la permission de tenir sa comptabilité dans une autre monnaie qu’au cours de l’exercice.  

En ce qui concerne la conversion des autres éléments du bilan et du compte de résultats, la Commission est d’avis qu’en principe, les effets d’un changement de monnaie fonctionnelle doivent être comptabilisés de façon prospective. Les entreprises qui se voient octroyer une dérogation au cours de l’exercice doivent dès lors convertir tous les postes existants du bilan et du compte de résultats en une nouvelle monnaie fonctionnelle sur la base du taux de change applicable à la date à laquelle le changement de la monnaie fonctionnelle a eu lieu.5  

La Commission autorise que la conversion ait lieu à la date du bilan d’ouverture et au taux en vigueur à ce moment (le cours de clôture), à condition qu’à cette date les conditions soient remplies pour l’obtention de la dérogation6  et compte tenu du principe de l’irréversibilité repris dans l’article 7, § 2 de la Loi comptable du 17 juillet 1975.7  

Pour ce qui concerne les opérations de l’exercice courant qui ont déjà été effectuées dans la nouvelle monnaie fonctionnelle avant l’obtention de la dérogation, aucune conversion ne doit être opérée. Ces opérations sont enregistrées à leur valeur originale, étant donné que la Commission présume que la comptabilité est tenue dans la nouvelle monnaie fonctionnelle à partir du premier jour de l’exercice pour lequel la dérogation a été obtenue. Les autres opérations qui sont effectuées en euro au cours de l’exercice sont converties au taux de change applicable à la date de la transaction.8   

Demandes de dérogation introduites par des sociétés qui n’ont pas encore déposé de comptes annuels

Pour ce qui concerne les demandes de dérogation introduites par des sociétés qui n’ont pas encore déposé de comptes annuels au moment où elles introduisent leur demande de dérogation relative à la tenue de la comptabilité et à l’établissement des comptes annuels dans une monnaie autre que l’euro, la Commission conseillera au gouvernement de n’accorder la dérogation que pour un seul exercice si les conditions sont remplies. 

La Commission reçoit en particulier des demandes de dérogation introduites par des sociétés en formation qui souhaitent tenir leur comptabilité et établir leurs comptes annuels dans une monnaie autre que l’euro. Dans ce cas, l’avis de la Commission ne portera que sur le premier exercice de la société. Une condition supplémentaire dans ce cas est en outre que la demande de dérogation de la société en formation soit accompagnée d’une copie du projet de son acte constitutif. 

Demandes relatives à la prolongation de la dérogation en matière de monnaie fonctionnelle

Si la société souhaite obtenir une prolongation, pour les exercices suivants, d’une dérogation obtenue, elle doit fournir au Ministre compétent les données permettant de juger si les conditions qui se trouvent à la base de la dérogation accordée sont encore satisfaites.

La Commission souhaite souligner l’importance en cette matière de renvoyer dans l’annexe des comptes annuels à la dérogation accordée à la société par le Ministre compétent. A l’occasion de ce renvoi, l’organe de gestion de la société confirmera que les motifs justifiant la dérogation s’appliquent intégralement aux comptes annuels en question.9  Si l’organe de gestion omet de faire  ce renvoi, la Commission conseillera au Ministre de rendre un avis défavorable quant à la prolongation de la dérogation relative à la tenue de la comptabilité et à l’établissement des comptes annuels dans la monnaie fonctionnelle appliquée. 

La demande de prolongation de la dérogation relative à la tenue de la comptabilité et à l’établissement des comptes annuels dans une autre monnaie que l’euro doit en outre être introduite au cours de l’exercice pour lequel la prolongation est demandée. Si la demande est introduite tardivement (c’est-à-dire après la date de clôture de l’exercice concerné), la Commission conseillera au Ministre de la rejeter.

 

  • 1Avis CNC 117/2 « Monnaie en laquelle la comptabilité doit être tenue et les comptes annuels doivent être dressés », Bulletin CNC, n° 7, juin 1980, 2-4
  • 2Avis CNC 117/3 « Tenue de la comptabilité et établissement des comptes annuels dans une monnaie autre que l'euro », Bulletin CNC, n° 49, juin 2009, 47-53.
  • 3Avis CNC 2009/10 « Détermination de la monnaie fonctionnelle des sociétés de financement », Bulletin CNC, n° 52, mars 2010, 19-22.
  • 4Avis CNC 2010/4 « Ecarts de conversion qui apparaissent lors de la conversion du capital suite à l'obtention d'une dérogation en matière de monnaie fonctionnelle », Bulletin CNC, n° 54, octobre 2010, 21-24.
  • 5Voir également IAS 21, paragraphe 35.
  • 6Ceci implique notamment que, sur le plan du droit des sociétés, le capital social est déjà exprimé dans une monnaie étrangère. La conversion du capital dans la monnaie fonctionnelle a lieu par acte notarié et elle n'a dès lors pas d'effet rétroactif.
  • 7Voir également l’avis CNC 174/1 « Les principes d'une comptabilité régulière », Bulletin CNC, n° 38, février 1997, 2-32.
  • 8En effet, dès que la comptabilité d’une entreprise est tenue dans la monnaie fonctionnelle (c’est-à-dire au début de l’exercice au cours duquel la dérogation est accordée), l’avis 152/1 « Comptabilisation des opérations en devises et traitement des avoirs et engagements en devises dans les comptes annuels » sera applicable en ce qui concerne l’enregistrement et le traitement des transactions qui ne sont pas effectuées dans la monnaie fonctionnelle de l’entreprise.
  • 9Avis CNC 117/3 « Tenue de la comptabilité et établissement des comptes annuels dans une monnaie autre que l'euro », Bulletin CNC, n° 49, juin 2009, 47-53.