COMMISSION DES NORMES COMPTABLES
Avis CNC 2024/09 – Reddition de comptes en cas de réouverture de la liquidation d’une société
Avis du 2 octobre 20241
Introduction
Lors de la réforme du droit des sociétés et des associations, le législateur a intégré un nouvel article 2:1052 au Code des sociétés et des associations (ci-après : CSA), qui permet de procéder à la réouverture de la liquidation d’une société. L’article en question détermine les conditions à respecter pour qu’un actif oublié puisse mener à l’application de cette procédure. Cette disposition doit être lue conjointement avec la règle générale de l’article 2:104 du CSA (également nouveau), qui détermine les bénéficiaires des actifs de la société liquidée.
Dans le cadre de la publication des avis CNC3 sur la reddition de comptes en cas de dissolution et de liquidation d'une société, la Commission a jugé utile de se pencher également sur les obligations de rapport associées à la réouverture de la liquidation au sens de l’article 2:105 du CSA.
Réouverture de la liquidation
Considérations générales
L’article 2:104, § 1er, alinéa 1er du CSA énonce comme règle générale qu’à la suite de la clôture de la liquidation, les associés ou actionnaires deviennent, de plein droit chacun pour leur part, propriétaires indivis de tous les actifs de la société même si ceux-ci ne sont pas connus au moment de la clôture de la liquidation. Conformément à l’article 2:104, § 2 et 3 du CSA4 , les créanciers de la société concernée doivent en principe s'adresser aux actionnaires si l’existence d’actifs ou de passifs oubliés est révélée après la clôture de la liquidation. En droit des comptes annuels, aucune obligation de rapport n’y est liée, étant donné que la société en question n’existe plus.
Outre la règle générale de l’article 2:104 du CSA, celui-ci prévoit des règles particulières pour la réouverture de la liquidation. Selon ces nouvelles règles le tribunal lève la clôture de la liquidation, de sorte que la société dissoute est de nouveau réputée exister pour les besoins de la liquidation5 , à condition qu’un ou plusieurs actifs oubliés soient découverts après la clôture de la liquidation.
Les conditions pour la réouverture de la liquidation se trouvent à l’article 2:105 du CSA :
« § 1er. Tout créancier qui n’a pas recouvré l’intégralité de sa créance peut demander la réouverture de la liquidation s'il s'avère après la clôture qu'un ou plusieurs actifs de la société ont été oubliés.6
L'action en réouverture de la liquidation est introduite contre les derniers liquidateurs en fonction ou les personnes désignées à l'article 2:79.
Le tribunal n'ordonne la réouverture de la liquidation que si la valeur de l'actif oublié dépasse les frais de réouverture.
§ 2. Sans préjudice des droits des tiers de bonne foi, la société recouvre la personnalité juridique par la réouverture de la liquidation et devient de plein droit propriétaire de l'actif oublié. Les derniers liquidateurs en fonction recouvrent cette qualité, sauf si le tribunal les remplace ou réduit leur nombre. Lors de la réouverture de la liquidation visée aux articles 2:80 et 2:81, le tribunal peut désigner un liquidateur.
§ 3. La réouverture produit ses effets entre les parties à compter de la date où elle a été prononcée. Elle n'est opposable aux tiers qu'à partir de la publication visée au paragraphe 4 et aux articles 2:7 et 2:13.
§ 4. L'extrait de la décision judiciaire passée en force de chose jugée ou exécutoire par provision prononçant la réouverture de la liquidation, de même que l'extrait de la décision judiciaire réformant le jugement précité, sont déposés et publiés conformément aux articles 2:7 et 2:13.
Cet extrait contient:
1° la dénomination et le siège de la société ;
2° la date de la décision et le juge qui l'a prononcée ;
3° les nom, prénom et domicile des liquidateurs et, lorsqu'un liquidateur est une personne morale, du représentant permanent.
§ 5. Toutes les dispositions du présent chapitre s'appliquent à la liquidation ainsi rouverte ».
Points d'attention
Sachant que la réouverture de la liquidation se limite aux actifs qui apparaissent après la clôture de la liquidation, la Commission estime que l’application de l’article 2:105 du CSA dans le cadre d’une dissolution classique ne requiert pas l’adaptation des pièces établies à la clôture de la liquidation initiale. Ainsi, le rapport chiffré comportant les comptes de liquidation et pièces à l'appui qui a été établi par le liquidateur à la clôture de la liquidation conformément à l’article 2:100 du CSA, ne doit pas être adapté7 à la suite de la réouverture de la liquidation.
La réouverture de la liquidation en raison d’un actif oublié ne nécessite pas forcément une rectification des comptes annuels déjà déposés8 .
La Commission estime qu’une fois la liquidation rouverte, la société concernée doit de nouveau tenir une comptabilité où les opérations sont inscrites sans retard, de manière fidèle et complète et par ordre de dates9 et où toute écriture s’appuie sur une pièce justificative datée et porte un indice de référence à celle-ci10 .
Selon la Commission, l'évaluation des actifs oubliés au sens de l’article 2:105 du CSA doit répondre aux critères de prudence, de sincérité et de bonne foi11 . Cet actif oublié sera néanmoins comptabilisé par la société concernée – qui a retrouvé la personnalité juridique – selon les règles applicables, donc en principe à sa valeur d'acquisition et moyennant les corrections requises par l’AR CSA. Les règles d’évaluation qui avaient été utilisées par la société avant sa liquidation seront en principe de nouveau appliquées. Les dettes devront également être comptabilisées. De l’avis de la Commission, ces dettes ne se limitent pas aux dettes du créancier qui a demandé et obtenu la réouverture de la liquidation conformément à l’art. 2:105 du CSA. Il conviendra ensuite de comptabiliser l’attribution, en principe, à sa juste valeur12 , en tenant compte des obligations fiscales13 .
Exemple 1
Supposons qu’après la clôture de la liquidation d’une société, un actif oublié soit découvert dont la valeur comptable est de 100. Un créancier dont l’impayé s’élève à 80 demande et obtient14 la réouverture15 de la société. Le dernier liquidateur en fonction est de nouveau désigné par le tribunal. L’actif oublié est ensuite réalisé à hauteur de 120.
La société devra procéder aux écritures comptables suivantes :
2/3/4/5 | Actif oublié | 100 | |||
à | 489X | Autres dettes diverses : créancier impayé | 80 | ||
489 | Autres dettes diverses | 20 |
Comptabilisation de la réalisation de l’actif oublié à hauteur de 120
416 | Créances diverses | 120 | |||
à | 2/3/4/5 | Actif oublié | 100 | ||
764 | Autres bénéfices d’exploitation non récurrents | 20 |
Comptabilisation des charges estimées
6702 | Charges fiscales estimées | 5 | |||
à | 450 | Impôts belges sur le résultat | 5 |
Comptabilisation de la réception de la créance
550 | Etablissements de crédit : comptes courants | 120 | |||
à | 416 | Créances diverses | 120 |
Paiement au créancier
489X | Autres dettes diverses : créancier impayé | 80 | |||
à | 550 | Etablissements de crédit : comptes courants | 80 |
Paiement des impôts
450 | Impôts belges sur le résultat | 5 | |||
à | 550 | Etablissements de crédit : comptes courants | 5 |
Comptabilisation de l’attribution du solde aux allocataires
697 | Autres applications16 | 15 | |||
489 | Autres dettes diverses | 20 | |||
à | 473 | Autres allocataires | 35 |
Obligations de rapport
Comme précisé ci-dessus, l’article 2:105, § 5 du CSA prévoit que toutes les dispositions du chapitre17 sur la dissolution et la liquidation des sociétés trouvent à s'appliquer à la réouverture de la liquidation. La Commission estime qu'il en va de même pour les comptes à rendre à l’occasion de la réouverture de la liquidation de la société qui avait déjà été dissoute.
En ce qui concerne les obligations de rapport et de publication associées à la réouverture de la liquidation, la Commission renvoie aux obligations citées dans l’avis CNC 2022/04 - Reddition de comptes en cas de dissolution et de liquidation d'une SRL, d'une SC, d'une SA, d'une SE ou d’une SCE en ce qui concerne la liquidation classique18 :
- l'établissement d’un état détaillé de la situation de la liquidation au cours de la liquidation – à déposer au greffe du tribunal de l'entreprise19 ;
- pour chaque exercice comptable : l'établissement de comptes annuels au cours de la liquidation – à soumettre à l'assemblée générale et à déposer à la Banque nationale de Belgique20 . La date de début des premiers comptes annuels à établir après la réouverture correspond en principe à la date à laquelle la réouverture de la liquidation a été prononcée21 ;
- l'établissement d'un rapport chiffré concernant la période de la liquidation rouverte même, comportant les comptes de liquidation22 et pièces à l'appui à la nouvelle clôture de la liquidation – à déposer dans le dossier de la personne morale23 et à publier dans les Annexes du Moniteur belge24 .
Si la clôture immédiate de la liquidation au sens de l'article 2:8025 du CSA est rouverte, la Commission renvoie, au regard des obligations d’établissement de l’information et de publication, à ce qui est mentionné ci-dessus au point 9 concernant la liquidation classique.
Exemple 2
La société à responsabilité limitée Z (ci-après : SRL Z) tenait sa comptabilité par année civile. L’assemblée générale annuelle avait lieu le 30 mai. Le 30 avril 20N1, cette société a été dissoute sur base volontaire et un liquidateur avait été désigné. Le 30 juin 20N2, la liquidation de cette SRL a été clôturée.
Par la suite, un créancier demande la réouverture de la liquidation de la SRL Z en raison de la découverte d'un actif oublié. Le 30 septembre 20N2, le tribunal ordonne la réouverture de la liquidation conformément à l’article 2:105, § 1er, alinéa 3 du CSA et le dernier liquidateur en fonction recouvre cette qualité26 . Le 5 octobre 20N2, cette décision judiciaire est publiée conformément aux articles 2:7 et 2:13 du CSA. La liquidation est clôturée le 1er mars 20N3.
Conformément à l’article 2:105, § 5 du CSA, le liquidateur doit en principe, dès la réouverture de la liquidation, tenir compte de toutes les dispositions pertinentes27 relatives aux rapports à établir en cas de liquidation classique. Le liquidateur devra tenir une comptabilité pour la nouvelle période de liquidation qui suit la réouverture. Il devra également, conformément à l’article 2:99 du CSA, établir au 31 décembre 20N2 des comptes annuels pour la période allant du 30 septembre 20N2 au 31 décembre 20N2. Après les avoir soumis à l’assemblée générale – avant la clôture au 1er mars 20N3 de la liquidation réouverte, il devra les déposer à la Banque nationale de Belgique. En vertu de l’article 2:100 du CSA, le liquidateur établira à la nouvelle clôture de la liquidation, au 1er mars 20N3, un rapport chiffré sur la liquidation comportant les comptes de liquidation et pièces à l’appui. Ensuite, à la clôture de la liquidation rouverte, il déposera28 le rapport chiffré et les pièces précitées dans le dossier de la personne morale au tribunal de l’entreprise. La clôture de la liquidation rouverte devra également être publiée dans les Annexes du Moniteur belge29 .
La Commission indique que l'un de ses membres demande que, dans le cadre de la publication du présent avis, son propre avis alternatif soit publié en tant que position divergente. Lors de la réunion du 6 novembre 2024, la majorité des membres ont affirmé ne pas partager le point de vue exposé dans cet avis alternatif, selon lequel l’existence d’un actif ou passif oublié pourrait permettre d'échapper à certaines obligations légales qui se seraient appliquées si l’actif ou le passif n'avait pas été oublié. Il est également à noter, notamment, que l'avis minoritaire énonce à tort qu'une dissolution et une liquidation en un seul acte ne peuvent pas être déficitaires (voir art. 2:80, al. 1er, 2°, in fine CSA).
9 octobre 2024
LE SORT D’UN ACTIF OU PASSIF OUBLIÉ APRÈS LA CLÔTURE DE LA LIQUIDATION
Il s'agit sans doute d'une curiosité, d'un accident de parcours : un actif ou passif oublié qui réapparaît après la clôture de la liquidation.1 La législateur a, pour la première fois, élaboré un régime légal (art. 12:104 et 2:105, CSA). Ce n’est que lorsqu'un actif oublié est découvert dans le cadre d'une liquidation déficitaire que celle-ci pourra être rouverte.
1 UN ACTIF OUBLIÉ
En cas de liquidation bénéficiaire - où tous les créanciers sont remboursés - les associés ou actionnaires deviennent de plein droit propriétaires indivis de l’actif oublié, dans la proportion de leur participation (art. 2:104, § 1er).2 Ils doivent donc s'accorder entre eux.3 La société, qui par ailleurs n'existe plus et ne peut donc plus être propriétaire de l'actif oublié, ne joue quant à elle aucun rôle dans ce contexte. La liquidation n’est pas rouverte. Par conséquent, les obligations de rapport à respecter dans le cadre d'une liquidation ne trouvent pas à s'appliquer ici.
En cas de liquidation déficitaire, où les créanciers ne sont pas intégralement remboursés, la découverte d'un actif oublié donnera lieu à la réouverture de la liquidation. Les créanciers venant en ordre utile voudront récupérer l’actif oublié. La société est (/demeure) alors de plein droit propriétaire de l’actif oublié (art. 2:105, § 2).4 Les créanciers dirigent leur action contre le liquidateur (art. 2:105, § 1er).5 Le juge ordonnera, à la demande des créanciers, la réouverture de la liquidation.6 La société recouvre la personnalité juridique en raison de la réouverture de la liquidation, ainsi que du concours des créanciers.7 Les liquidateurs recouvrent également leur fonction.8 Par conséquent, les obligations de rapport s’appliquent de nouveau à la société.9 Du reste, la liquidation se déroule de manière habituelle (art. 2:105, § 5).
2 UN PASSIF OUBLIÉ
Si, en cas de liquidation bénéficiaire, un passif oublié (lisez : un créancier oublié) réapparaît après la clôture de la liquidation, la liquidation n’est pas rouverte. Les actionnaires d'une SRL, SC ou SA sont responsables et seront tenus de procéder à la restitution, fût-elle soumise à conditions et limitée. Ils ne sont responsables que s'ils avaient (ou auraient dû avoir) connaissance du passif oublié. De plus, leur responsabilité est toujours limitée à l'apport remboursé et au boni de liquidation obtenu. Il n'y a pas de solidarité entre eux (art. 2:104, § 2).
Si, en cas de liquidation déficitaire, un nouveau passif ou un passif qui n'était jusque-là pas connu (lisez : un créancier oublié) apparaît après la clôture, la liquidation n’est pas non plus rouverte. En effet, il n'y a rien à distribuer. Une réouverture n'a donc aucun sens. Les obligations de rapport ne trouvent pas non plus à s'appliquer.
3 LA DISSOLUTION ET LA LIQUIDATION EN UN SEUL ACTE (art. 2:105, § 2, renvoyant à l’art. 2:80, CSA)
a. Un actif oublié
En cas de liquidation bénéficiaire, il convient d'appliquer à un actif oublié le même régime qu’en cas de liquidation ordinaire (voir ci-dessus, titre 1, paragraphe 1). Là aussi, les associés ou actionnaires sont de plein droit propriétaires indivis de l'actif oublié. La liquidation n’est pas rouverte.
En principe, cette situation ne donne pas lieu à une liquidation déficitaire.
b. Un passif oublié
En cas de liquidation bénéficiaire, la découverte d'un passif oublié n’entraîne pas la réouverture de la liquidation. Les actionnaires d'une SRL, SC ou SA sont toujours responsables de la dette oubliée.10 Ils seront donc tenus de procéder à la restitution. Il n'y a pas non plus de solidarité entre eux. Là encore, leur responsabilité est limitée au remboursement de la somme qui leur a été versée au titre de leur apport en capital et du boni de liquidation obtenu. S'ils sont de bonne foi, ils peuvent exercer un recours contre les membres de l'organe d'administration (art. 2:104, § 3).
En principe, cette situation ne donne pas lieu à une liquidation déficitaire.
4. LA RÉOUVERTURE DE LA LIQUIDATION NE RÉTABLIT PAS L’ENTREPRISE
La liquidation n'est rouverte que dans une mesure limitée. Tous les actes de liquidation posés précédemment demeurent inchangés ; il n'y a pas de retour en arrière. La réouverture porte uniquement sur la réalisation d'un seul actif oublié. La réouverture est assurément une version allégée de la liquidation ordinaire.
Lors de la liquidation ordinaire, toutes les obligations qui s'appliquaient avant la dissolution sont restées d'application.11 Il en va de même en cas de réouverture de la liquidation (art. 2:105, § 5, CSA). La réalisation subséquente de cet unique actif n'implique pas l'existence d'une entreprise. En effet, plus aucune activité économique n'est exercée.12 La société recouvre la personnalité juridique (art. 2:105, § 2, CSA) ; celle-ci étant toutefois lourdement tronquée.13
C’est pourquoi, après la réouverture, il n’est pas nécessaire de tenir une comptabilité14,15, d'établir des comptes annuels ou de déposer une déclaration à l'impôt des sociétés16.17
Gerard GOEMAERE
Membre de la CNC
1 Voir : avis CNC 2022/4 sur la reddition de comptes en cas de liquidation ; avis CNC 2022/6 sur la reddition de comptes en cas de dissolution et de liquidation en un seul acte.
2 Les actifs restants qui sont connus ont déjà été remis par le liquidateur aux actionnaires lors de la liquidation ordinaire (art. 2:97, § 3). La même procédure est appliquée aux actifs oubliés, mais de plein droit.
3 Le cas échéant par le biais de la procédure judiciaire de partage du bien meuble (art. 1205 e.s. C. jud.).
4 Il est possible qu’entre la clôture de la liquidation déficitaire et la découverte de l’actif oublié, cet actif ait déjà été vendu par les associés à un tiers. C’est pourquoi il est précisé dans le CSA : « Sans préjudice des droits des tiers de bonne foi » (art. 2:105, § 2). Le droit de propriété des tiers est préservé. L’associé qui avait vendu le bien devra restituer la somme qu’il a reçue à la liquidation. En effet, il a vendu un bien qui ne lui appartenait pas.
5 L’action en réouverture de la liquidation se prescrit cinq ans après la publication de la clôture de la liquidation et ne peut plus être introduite à partir d’un an après la découverte de l’actif oublié (art. 2:143, § 3). Le délai de prescription d’un an ne peut pas être interrompu ou suspendu, sauf en cas de force majeure, c’est-à-dire lorsque le créancier n’aurait pas pu avoir connaissance de l’actif oublié ou ne pouvait pas agir.
6 Seulement si la valeur de l’actif oublié dépasse les frais de réouverture (art. 2:105, § 1er).
7 Le liquidateur doit respecter l’égalité des créanciers et devra activement rechercher l’ensemble des créanciers impayés (en rang utile) et les avertir par écrit qu’un nouvel actif a été découvert en leur demandant s’ils souhaitent faire valoir leurs droits.
8 Le juge peut nommer un autre liquidateur, notamment si la responsabilité du liquidateur précédent pourrait être mise en cause.
9 A l’instar de la liquidation ordinaire, les obligations de rapport impliquent l’établissement : (1) d’un rapport de l’organe d’administration, en l’espèce le liquidateur (art. 2:71, § 2) ; (2) un état résumant la situation active et passive (art. 2:71, § 2); (3) un plan de répartition (art. 2:97 § 2). A la clôture de la liquidation, il faudra également établir (4) les comptes de liquidation (art. 2:100).
10 La dissolution et la liquidation en un seul acte offrent moins de transparence et moins de garanties aux créanciers. Les créanciers ne sont informés de la dissolution et de la liquidation qu’au moment de la publication de la procédure d’un jour au Moniteur, lorsqu’il est trop tard pour faire valoir leurs droits. Afin d’éviter que les actionnaires ne se jouent trop facilement de ces créanciers, la législation prévoit un régime de responsabilité plus strict : ici, les actionnaires sont également responsables des dettes dont ils n’avaient pas ou ne pouvaient pas avoir connaissance.
11 Bien qu’il n’y ait en principe plus non plus d’entreprise à partir de la clôture d’une liquidation ordinaire - abstraction faite de la poursuite temporaire des activités après la dissolution -, de nombreuses dispositions légales imposent ces obligations, telles que : la tenue de la comptabilité, l’établissement et le dépôt des comptes annuels (art. 2:99, CSA), la déclaration à l’impôt des sociétés (art. 208, CIR 92).
12 Toutes les entreprises sont soumises à l’obligation comptable (art. III.82, CDE). Mais qu’est-ce qu’une entreprise ? L’ancienne définition fonctionnelle (loi du 28 février 2013) de l’entreprise était la suivante : « toute personne physique ou personne morale poursuivant de manière durable un but économique » (art. I.1, CDE). La nouvelle définition formelle (loi du 15 avril 2018) se contente de fournir une énumération, notamment : « (b) toute personne morale ; » (art. I.1, 1°, b, CDE).
13 Le tribunal de l’entreprise rouvrira brièvement les yeux du défunt (la société dissoute), pour ensuite les refermer une fois pour toutes.
14 La comptabilité est adaptée à la nature et à la taille de l’entreprise, qui n’existe plus en l’espèce (art. III.82, § 2, CDE). Une comptabilité ne présenterait d’ailleurs aucune valeur ajoutée pour la réouverture. Le liquidateur établira un plan de répartition (art. 2:97, § 2, CSA) et les comptes de liquidation (art. 2:100). Il les soumettra à l’approbation du juge et de l’assemblée générale pour obtenir décharge. Ce reporting contient l’intégralité des charges et des produits. La comptabilité et les comptes annuels ne peuvent rien y ajouter et n’ont donc pas d’utilité supplémentaire.
15 Des cinq motifs qui peuvent justifier la tenue de la comptabilité d’une entreprise : la comptabilité en tant qu’outil de gestion, la reddition de comptes, la protection des tiers, la pertinence sociale et l’intérêt des pouvoirs publics (K. VAN HULLE, N. LYBAERT, J.P. MAES, Handboek Boekhoud- en Jaarrekeningrecht, Die Keure, 2015, p. 5-9), aucun n’est pertinent en cas de réouverture de la liquidation.
16 Sont assujetties à l’impôt des sociétés, les sociétés résidentes, à savoir les personnes morales qui se livrent à l’exploitation ou à des opérations de caractère lucratif et dont le principal établissement ou le siège de direction ou d’administration se trouve en Belgique (art. 179 juncto 2, § 1er, 5°, a) et b), CIR 92). La réouverture de la liquidation ne respecte pas cette condition. Qui plus est, en raison du caractère déficitaire de la liquidation, une déclaration à l’impôt des sociétés n’impliquerait par définition pas de bénéfice imposable (art. 208, CIR 92), pas de boni de liquidation (art. 209, CIR 92) et serait principalement caractérisée par des pertes à reporter.
17 « Toutes les dispositions du présent chapitre [= la liquidation ordinaire] s’appliquent à la liquidation ainsi rouverte » (art.2:105, §5, CSA). A mes yeux, cette disposition ne doit pas être lue de manière littérale, mais dans un sens ciblé et fonctionnel. On cherche en vain une norme qui pourrait servir de fondement à la règle. Proposition d’amendement législatif : Remplacer « toutes les dispositions » par la notion plus limitative « l’établissement de l’information financière ».
- 1Le présent avis a été élaboré après la publication pour consultation publique d’un projet d’avis le 17 juillet 2024 sur le site de la CNC.
- 2Voir point 4 du présent avis.
- 3Avis CNC 2022/04 - Reddition de comptes en cas de dissolution et de liquidation d'une SRL, d'une SC, d'une SA, d'une SE ou d’une SCE et avis CNC 2022/06 – Reddition de comptes en cas de clôture immédiate de la liquidation d'une société.
- 4L'art. 2:104, § 2 du CSA dispose ce qui suit, en ce qui concerne la dissolution et la liquidation classiques : « Les actionnaires d'une société à responsabilité limitée, d'une société coopérative et d'une société anonyme sont responsables, sans solidarité entre eux, des dettes de la société dissoute qui n'ont pas été payées au plus tard lors de la clôture de la liquidation et pour lesquelles il n'a pas été consigné, au plus tard à cette date, un montant suffisant pour couvrir ces dettes en principal et accessoires, s'ils en connaissaient l'existence ou ne pouvaient les ignorer compte tenu des circonstances. Cette responsabilité est, pour chaque actionnaire, limitée au montant égal à la somme de l'apport qui lui est remboursé et de sa part dans le solde de liquidation reçue avant ou lors de la clôture de la liquidation de la société. Il en va de même des actionnaires qui ont cédé leurs actions avant la clôture de la liquidation, à concurrence des acomptes qu'ils auraient perçus ». L'art. 2:104, § 3 du CSA dispose ce qui suit, en ce qui concerne la clôture immédiate de la liquidation : « En cas d'application des articles 2:80 et 2:81, les actionnaires d'une société à responsabilité limitée, d'une société coopérative et d'une société anonyme sont, par dérogation au paragraphe 2 toujours responsables, sans solidarité entre eux, des dettes visées au paragraphe 2 indépendamment du fait qu'ils en aient ou non eu ou dû avoir connaissance compte tenu des circonstances. S'ils sont de bonne foi, ils peuvent exercer un recours contre les derniers membres de l'organe d'administration en fonction. La responsabilité à l'égard des actionnaires est, pour chaque actionnaire, limitée au montant égal à la somme de l'apport qui lui a été remboursé et de sa part dans le solde de liquidation reçue avant ou lors de la clôture de la liquidation de la société ».
- 5Ainsi, la société recouvre la personnalité juridique telle qu’elle était entre la dissolution et la clôture de la liquidation. La Commission fait remarquer qu’il ne s'agit pas de la personnalité juridique telle qu’elle était avant la dissolution, mais bien de la personnalité juridique pour les besoins de la liquidation. Pour plus d'informations, voir : R. Tas, « De procesrechtelijke gevolgen van de sluiting van de vereffening van een handelsvennootschap », TRV 1997, p. 496; H. BRAECKMANS et R. HOUBEN, « Het nieuwe Wetboek van Vennootschappen en Verenigingen (deel 1) », RW 2019-2020, p. 539, n° 46 et H. BRAECKMANS et R. HOUBEN, Handboek Vennootschapsrecht, Anvers, Intersentia, 2020, p. 834, n° 1696 e.s.
- 6Voir Travaux préparatoires, Doc. Parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-3119/008, p. 47 : « Il est souhaitable que les liquidations déficitaires [sic] soient également rouvertes lorsque suffisamment d’actifs “oubliés” sont découverts. La réouverture de la liquidation présente aussi certains avantages pour les créanciers par rapport aux actions en responsabilité prévues à l’article 2:98, §§ 2 et 3 ».
- 7L’art. 3:19 du CSA détermine les conditions dans lesquelles les comptes annuels peuvent - et doivent - être rectifiés. De telles conditions de rectification n’existent toutefois pas pour le rapport chiffré visé à l’art. 2:100 du CSA.
- 8Pour plus d’informations à ce sujet, voir avis CNC 2020/12 – Rectification des comptes annuels.
- 9Art. III.84, al. 2, CDE.
- 10Art. III.86, al. 1er, CDE.
- 11Art. 3:10, AR CSA.
- 12La Commission consacrera un avis distinct à la notion de juste valeur.
- 13La Commission renvoie notamment aux art. 208 et 209, CIR 92.
- 14Dans l’exemple, il est fait abstraction des éventuels frais de réouverture.
- 15Voir art. 2:105 CSA et point 4.
- 16L’intitulé de ce poste tel qu’il figure dans la version française du plan comptable minimum normalisé (PCMN) des entreprises soumises à des obligations comptables autres que les associations et les fondations, publié en annexe de l’arrêté royal du 21 octobre 2018 portant exécution des articles III.82 à III.95 du Code de droit économique est erroné. Le poste 697 devrait être intitulé « Autres allocataires », à l’instar du poste 473 Autres allocataires. La Commission saisira la première occasion pour suggérer cette modification au législateur.
- 17Le législateur fait référence à la Partie 1re, Livre 2, Titre 8, Chapitre 1er du CSA, voir art. 2:70 à 2:108, CSA.
- 18Pour plus d’informations à ce sujet, voir les points 17 à 30 de l’avis CNC 2022/04 – Reddition de comptes en cas de dissolution et de liquidation d'une SRL, d'une SC, d'une SA, d'une SE ou d’une SCE.
- 19Voir art. 2:96, CSA.
- 20Voir art. 2:99, CSA.
- 21Voir également art. 2:105, § 3, CSA et l’exemple 2 ci-dessous.
- 22S’il ressort des comptes de liquidation que tous les créanciers ne pourront pas être remboursés intégralement, il convient également de soumettre un plan de répartition au tribunal compétent : art. 2:97, § 2, CSA.
- 23Voir art. 2:102 à 2:103, CSA.
- 24Voir art. 2:102, § 1er, al. 1er, CSA, art. 2:103, al. 1er, 5°, CSA et art. 2:13, CSA.
- 25Egalement appelée liquidation turbo.
- 26Art. 2:105, § 2, CSA.
- 27Voir notamment art. 2:96 et 2:99, CSA.
- 28Voir art. 2:102 et 2:103, CSA.
- 29Voir art. 2:102, § 1er, al. 1er, CSA jo art. 2:13, CSA.