COMMISSION DES NORMES COMPTABLES

Avis CNC 2014/7 – Le traitement comptable de subsides dont l’octroi n’est pas garanti (droits éventuels)

Avis du 14 mai 20141  

Introduction et objet de l’avis

La Commission a été interrogée sur le traitement comptable de subsides dont l’octroi n’est pas garanti par l’autorité subsidiante mais est alloué au jour le jour.

Dans le cas soumis à la Commission, l’association subsidiée est un centre de soins aux personnes, et l’autorité subsidiante2 est l’INAMI : aux termes d’un accord-cadre, l’INAMI accorde au centre un subside par jour d’accueil/hospitalisation.

Chaque jour d’accueil/hospitalisation est facturé, pour partie, aux patients (à hauteur de leur contribution personnelle) et, pour le reste, à l’INAMI (via les mutuelles). Il s’agit donc d’un subside d’exploitation.

Le montant du subside est déterminé de façon à couvrir, entre autres, les frais liés à l’immeuble acheté par le centre, à savoir notamment l’amortissement de l’immeuble et les intérêts de l’emprunt contracté pour l’achat (emprunt à rembourser sur 27 ans).

Par année, l’intégralité des frais de l’immeuble sont couverts dès que le centre est occupé à concurrence d’au moins 90 % en moyenne annuelle. Ceci signifie que le montant du subside journalier a été déterminé en répartissant les frais d’immeuble sur 90 % des jours ouvrables annuels au lieu de 100 %. Si le centre n’est par exemple occupé qu’à concurrence de 80 % sur une base annuelle, le montant facturé par le centre à l’INAMI (via les mutuelles) ne représentera qu’une fraction correspondante du montant total du subside.

Depuis sa création, le centre a perçu chaque année la totalité du subside.

Le montant annuel des intérêts compris dans le subside a été déterminé de façon linéaire et ne correspond pas au montant des intérêts dus chaque année par le centre conformément au plan de remboursement à la banque, ce dernier étant variable d’année en année.

Le montant annuel des intérêts compris dans le subside correspond en effet au montant total des intérêts dus sur la durée de l’emprunt divisé par le nombre d’années de l’emprunt. En revanche, le montant des intérêts réellement dus par le centre n’est, d’après le plan de remboursement à la banque, pas identique chaque année. Il en résulte que, pendant la première partie de l’emprunt, les intérêts réellement dus par le centre excèdent le montant d’intérêts compris dans le subside tandis que pour la seconde partie ils sont moins élevés que le montant d’intérêts compris dans le subside.

La question a été posée à la CNC de savoir comment comptabiliser cette part de subside couvrant les intérêts de l’emprunt contracté pour l’achat de l’immeuble. 

En particulier, la question est de savoir si le montant de subside (correspondant aux intérêts) susceptible d’être reçu pendant toute la durée de l’emprunt peut être réparti (c’est-à-dire, en l’espèce, anticipé), par le biais des comptes de régularisation, de façon à correspondre chaque année exactement au montant des intérêts dus par le centre pour l’année en question conformément au plan de remboursement de l'emprunt.

Analyse 

Dans son avis 2012/17 relatif à la reconnaissance des charges et des produits3 , la CNC a précisé, en ce qui concerne l’enregistrement des produits, que le principe comptable général de prudence prime sur le principe comptable général de correspondance des produits et des charges. Il s’ensuit qu’un produit ne pourra être enregistré que lorsqu’il sera prudent de le faire, et qu’il ne pourra pas, notamment, être anticipé pour le rapprocher de charges correspondantes.

L’avis de la CNC 2011/13 relatif aux subsides des pouvoirs publics4  dispose par ailleurs qu’un subside ne doit pas être comptabilisé au moment de son paiement effectif mais au moment où le droit de l’entreprise à l’obtenir est certain et qu’il peut raisonnablement être évalué. C’est l’examen de la nature de l’engagement de l’autorité subsidiante qui doit permettre à l’organe d’administration d’apprécier le caractère certain ou non du droit à l’obtention du subside.

Dans le cas d’espèce, le subside est octroyé chaque année par l’INAMI, au fur et à mesure des jours d’accueil/hospitalisation effectivement prestés et facturés par le centre. Le droit de créance sur ce subside est donc un droit éventuel, c’est-à-dire un droit dont le sort dépend d’un événement futur et incertain intrinsèque, conditionnant un élément essentiel ou constitutif du droit lui-même, comme indiqué dans l’avis 2009/3 relatif au traitement comptable des subsides en capital dont l’octroi et/ou le paiement sont échelonnés sur plusieurs années5 .

Certes, le centre a, depuis son ouverture, affiché un taux d’occupation lui permettant de récolter chaque année l’intégralité du subside. 

Toutefois, de l’avis de la CNC, anticiper les subsides par rapport à leur date d’octroi par l’INAMI pour les répartir linéairement sur la durée de l’emprunt suppose que le centre ait la certitude de remplir, pour toute la durée de l’emprunt (à savoir 27 ans) les conditions lui permettant de percevoir la totalité du subside. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, dès lors qu’il existera toujours une incertitude sur le point de savoir, pour chaque année, si le centre aura un taux d’occupation suffisant pour lui permettre de facturer la totalité du subside à l’INAMI (via les mutuelles).

De l’avis de la CNC, les subsides doivent dès lors être enregistrés à concurrence du montant effectivement facturé chaque année à l’INAMI (via les mutuelles).

Lorsque les produits ont été rattachés à un exercice, il convient d’y rattacher également les charges qui s’y rapportent, conformément au principe de correspondance des charges et des produits.

En l’espèce, il s’agit de déterminer à quel moment les intérêts dus chaque année par le centre en vertu du plan de remboursement de l’emprunt doivent être enregistrés. Dans son avis 2013/12 relatif à la reconnaissance des produits et des charges correspondant à des intérêts et des redevances, de l'affectation de résultats au titre de dividendes et tantièmes et des produits correspondant à des dividendes et tantièmes6 , la CNC a précisé que les intérêts doivent être comptabilisés pour chaque année, au titre de charges, à concurrence du prorata d’intérêts courus au terme de l’exercice, sans attendre leur échéance.

Le centre doit donc en principe enregistrer chaque année au titre de charge le prorata d’intérêts dû pour l’année en question selon le plan de remboursement de l’emprunt.

La CNC n’aperçoit pas de raison pouvant justifier de reporter l’enregistrement de ces charges d’intérêt afin d’obtenir, pour chaque année, une correspondance parfaite entre ces charges d’intérêts et le montant de subsides pris en produit.
 

  • 1Le présent avis a été élaboré après la publication pour consultation publique d’un projet d’avis le 27 mars 2014 sur le site de la CNC.
  • 2La notion de subsides des pouvoirs publics est définie dans l’avis de la CNC 2011/13 Subsides des pouvoirs publics, Bull. CNC. n°58, p. 30 et s.
  • 3Bull. CNC, n° 65, 8 - 12.
  • 4Précité, Bull. CNC. n°58, p. 30 et s.
  • 5Bull. CNC n° 50, p. 31 et s.
  • 6Bull. CNC n°67, p. 5 et s.