COMMISSION DES NORMES COMPTABLES

Avis CNC 2012/10 – Intérêt négligeable

Avis du 4 juillet 2012


Introduction

La directive 2009/49/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 modifiant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil en ce qui concerne certaines obligations de publicité pour les sociétés de taille moyenne et l’obligation d’établir des comptes consolidés1 a pour objectif principal d’alléger les charges administratives des sociétés afin de relancer l’économie européenne. Or, il ressort de la lecture conjointe des articles 1er et 13, 1 et 2 de la directive 83/349/CEE du 13 juin 1983 concernant les comptes consolidés2  (83/349/CEE) (ci-après : la septième directive) qu’une entreprise mère doit établir des comptes consolidés, même si son unique filiale ou toutes ses filiales considérées collectivement présentent un intérêt négligeable au regard de l’objectif visé à l’article 16, point 33  de sorte qu’elles ne doivent pas être incluses dans les comptes consolidés.

Le considérant (8) à la directive 2009/49/CE souligne que cette exigence est excessivement lourde dans le cas d’une entreprise mère dont toutes les filiales présentent un intérêt négligeable. Partant, l’entreprise mère devrait dans ce cas être exemptée de l’obligation d’établir des comptes consolidés et un rapport consolidé de gestion. L’entreprise mère conserve cependant la possibilité d’établir, de sa propre initiative, des comptes consolidés et un rapport consolidé de gestion.

L’article 2 de la directive 2009/49/CE a été transposée dans la loi belge par la loi du 22 mars 20124 modifiant le Code des sociétés et la loi du 17 juillet 1975 relative à la comptabilité des entreprises (ci-après : la loi du 22 mars 2012).
La loi du 22 mars 2012 modifie l’article 110 du Code des sociétés (ci-après : C.soc.) : « Toute société mère est tenue d'établir des comptes consolidés et un rapport de gestion sur les comptes consolidés si, seule ou conjointement, elle contrôle une ou plusieurs entreprises filiales ». 

L’article 3 de la loi du 22 mars 2012 ajoute à cet article un second alinéa rédigé comme suit : « Une société mère qui ne possède que des entreprises filiales qui eu égard à l'évaluation du patrimoine consolidé, de la position financière consolidée ou du résultat consolidé, ne présentent tant individuellement que collectivement qu'un intérêt négligeable, est exemptée de l'obligation prévue à l'alinéa 1er ».

Depuis le 22 avril 20125 , une société mère doit donc être exemptée de l’obligation d’établir des comptes consolidés et un rapport consolidé de gestion lorsqu’elle possède uniquement des entreprises filiales qui, eu égard à l'évaluation du patrimoine consolidé, de la position financière consolidée ou du résultat consolidé, sont considérés tant individuellement que collectivement comme ne présentant qu'un intérêt négligeable.

La Commission des Normes Comptables a été saisie d’une demande d’avis concernant la notion d’« intérêt négligeable », définissant plus particulièrement les critères sur base desquels l’entreprise doit interpréter cette notion6 .

Article 107 de l’arrêté royal du 30 janvier 2001 portant exécution du code des sociétés (ci-après: AR C.soc.)

En ce qui concerne la délimitation du périmètre de consolidation, l’article 107, 1° de l’AR C.soc. prévoit déjà actuellement que sous certaines conditions une filiale peut être laissée en dehors de la consolidation : « lorsque, compte tenu de son importance négligeable, son inclusion serait sans intérêt sous l'angle de l'appréciation du patrimoine, de la situation financière ou du résultat consolidés; lorsque plusieurs filiales répondent à cette condition, il ne peut être fait usage de cette faculté que si, totalisées, ces filiales répondent à la condition posée; »7 .

La loi du 22 mars 2012 laisse dès lors l’application actuelle  de la législation belge pratiquement inchangée. La notion d’ « intérêt négligeable » n’est pas nouvelle et est utilisée depuis plusieurs années dans le droit belge des comptes annuels. Avant même la loi du 22 mars 2012, une société mère ne possédant que des entreprises filiales d’intérêt négligeable pouvait ne pas inclure d’informations concernant ces filiales dans ses comptes consolidés. La société mère justifiait cette omission en ces termes dans l'annexe à ses comptes consolidés8 . Il relève toujours de la responsabilité de l’organe d’administration de la société mère de définir clairement la notion d’ « intérêt négligeable ». 

Rapport fait au nom de la Commission chargée des problèmes de droit commercial et économique relatif au projet de loi modifiant le Code des sociétés en ce qui concerne certaines obligations de publicité pour les sociétés de taille moyenne et l’obligation d’établir des comptes consolidés9

Dans les travaux préparatoires de la loi du 22 mars 2012, le Ministre de l’Économie a expliqué que le gouvernement décide de ne pas définir la notion d’ « intérêt négligeable » de façon très précise, mais d’en faire une notion ouverte, cette option permettant d’adapter la notion en fonction de l’évolution du contexte. Cela permet également d’éviter que la loi doive chaque fois être adaptée à une nouvelle réalité. Le Ministre renvoie, pour le surplus, à la Commission des Normes Comptables pour préciser ladite notion.

À la question de savoir quels critères seront appliqués concrètement pour décider qu’une filiale présente « un intérêt négligeable », le Ministre répond que la filiale doit naturellement présenter  certaines caractéristiques qualitatives pour pouvoir être qualifiée comme telle. Par exemple, une filiale qui n’a qu’un seul salarié ne sera pas considérée comme présentant « un intérêt négligeable » si sa société mère y a placé d’importantes dettes financières. À l’inverse, la filiale peut être considérée comme présentant un « intérêt négligeable » si cette filiale a été créée, initialement, pour exercer une activité aujourd’hui totalement disparue mais n’a jamais été dissoute pour éviter des tracasseries administratives.

Avis CNC 2010/1 Interprétation de l’obligation de publication des transactions significatives avec des parties liées, effectuées en dehors des conditions du marché, telle que prévue par l’arrêté royal du 10 août 2009

L’avis CNC 2010/1 traite de l’obligation de publication des transactions, si elles sont significatives. La Commission estime que le législateur a voulu, par ce passage, exprimer que, des transactions concernées, seules les transactions revêtant une importance matérielle doivent être reprises dans l’annexe. La notion d’« importance matérielle » est utilisée dans l'acception généralement admise de ce terme au niveau international (dans le contexte des comptes annuels), selon laquelle l'information revêt une importance matérielle lorsque son omission ou son inexactitude peut influencer les décisions économiques que les utilisateurs prennent sur la base des comptes annuels.10

Conclusion

Aussi la Commission est-elle d’avis qu’une société mère ne peut recourir au nouvel article 110, al. 2, nouveau, C.soc. que si le fait de ne pas reprendre dans ses comptes consolidés les entreprises filiales (et ainsi, en espèce, d’établir seulement des comptes annuels statutaires) qui, eu égard à l'évaluation du patrimoine consolidé, de la position financière consolidée ou du résultat consolidé, ne présentent tant individuellement que collectivement qu'un « intérêt négligeable », ne conduit pas les utilisateurs à prendre d’autres décisions autres que celles qu’ils prendraient sur la base des comptes consolidés dans lesquels ces entreprises filiales sont effectivement incluses.

Cette règle, comme l’affirme le Ministre compétent lors des travaux préparatoires,  ne se résume pas à la détermination d’un pourcentage du bilan consolidé ou du chiffre d’affaires consolidé, par exemple. La règle doit au contraire être appréciée, en même temps, de façon qualitative.

Conséquences de l’exemption

La Commission tient enfin à mettre en évidence une conséquence directe de l’exemption de l'obligation d'établir des comptes consolidés dans les situations décrites ci-dessus. Des entreprises associées11  sont incluses dans les comptes consolidés par la méthode de mise en équivalence. Lorsqu'une participation est mise en équivalence, elle est inscrite au bilan consolidé pour le montant correspondant à la fraction des capitaux propres de la société en cause, y compris le résultat de l'exercice, représentée par cette participation12 . En cas d’exemption de l'obligation d'établir des comptes consolidés, ces participations sont incluses dans les comptes annuels statutaires à leur valeur d'acquisition, ce qui peut signifier une perte d’information.
 

  • 1JO L 164 du 26 juin 2009, p. 42.
  • 2JO L 193 du 18 juillet 1983, p. 1.
  • 3L’article 16, point 3 de la septième directive prévoit que les comptes consolidés doivent donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que des résultats de l'ensemble des entreprises comprises dans la consolidation.
  • 4 MB du 12 avril 2012.
  • 5Dix jours après la date de publication au Moniteur belge, soit le 12 avril 2012.
  • 6Exposé des motifs du projet de loi modifiant le Code des sociétés en ce qui concerne certaines obligations d’information des moyennes entreprises et l’obligation d’établir des comptes annuels consolidés, Doc.parl., Chambre 2011-12, n° 53 1890/001, p. 5.
  • 7Le dispositif de l’article 107 AR C.soc. reprend l’ancien article 13 de l'arrêté royal du 6 mars 1990 relatif aux comptes consolidés des entreprises.
  • 8Sur la base de l’article 107, dernier alinéa AR C.soc.
  • 9Rapport fait par M. Karel UYTTERSPROT, Chambre des représentants de Belgique, DOC 53 1890/003, 23 janvier 2012, Chambre – 3e session de la 53e législature.
  • 10Rapport au Roi précédant l’arrêté royal du 14 novembre 2007 relatif aux obligations des émetteurs d'instruments financiers admis à la négociation sur un marché réglementé.
  • 11Art 12, C.soc. : « Il faut entendre par ‘société associée’, toute société, autre qu'une filiale ou une filiale commune, dans laquelle une autre société détient une participation et sur l'orientation de laquelle elle exerce une influence notable. Cette influence notable est présumée sauf preuve contraire, si les droits de vote attachés à cette participation représentent un cinquième ou plus des droits de vote des actionnaires ou associés de cette société. »
  • 12Art. 152, § 1 AR C.soc.