COMMISSION DES NORMES COMPTABLES
Avis CNC 112-3 - Amortissement d'actifs immobilisés dont la valeur réelle dépasse leur valeur comptable
La question a été posée de savoir si le plan d'amortissement relatif à un actif immobilisé dont la durée d'utilisation est limitée dans le temps, peut ou doit continuer à être appliqué si la valeur «réelle» du bien en cause vient, à raison de la dépréciation de la monnaie ou de l'évolution des conditions du marché, à dépasser sa valeur comptable.
Le problème se pose essentiellement pour les immeubles construits. Pour ceux-ci, en effet, la durée d'utilisation est, en général, fort longue de sorte que la dotation annuelle d'amortissement est, en pourcentage par rapport à la valeur d'acquisition, relativement réduite. Dans le même moment, la dépréciation de la monnaie, l'accroissement des coûts de construction et l'évolution du marché immobilier peuvent provoquer une croissance à un rythme plus rapide, de la valeur de l'immeuble, que cette valeur soit appréciée en terme de valeur vénale ou de valeur de remplacement. Celle-ci peut dès lors dépasser non seulement la valeur comptable du bien en cause, mais également son prix d'acquisition.
Dans une telle occurrence - et s'agissant d'actifs affectés durablement par l'entreprise à son exploitation - s'impose-t-il encore, voire est-il encore licite, de poursuivre la politique d'amortissement tracée ?
A l'appui d'une réponse négative à la question ainsi posée il pourrait être fait valoir que la poursuite des amortissements conduirait à une sous-évaluation, au bilan, du bien en cause, incompatible avec l'exigence de sincérité et de bonne foi formulée par l'article 19 de l'arrêté royal du 8 octobre 1976.
De l'avis de la Commission, le seul fait que la valeur vénale ou la valeur de remplacement d'un actif immobilisé dont l'usage est limité dans le temps, dépasserait sa valeur comptable ne justifie pas et ne permet pas l'arrêt de la politique d'amortissement.
En effet, en ce qui concerne ces immobilisations, l'arrêté royal fait référence, en son article 28, non pas à la notion de «réduction de valeur», mais à celle d'«amortissement». Cette dernière n'est pas rattachée à une idée de dépréciation de la valeur vénale mais, aux termes même de l'article 12 de l'arrêté susvisé, à une optique de répartition sur la durée d'utilité ou d'utilisation probable du bien, du coût d'acquisition, éventuellement réévalué, de celui-ci. De même, en ce qui concerne les amortissements complémentaires ou exceptionnels, le même article 28 fait référence à la valeur d'utilisation du bien par l'entreprise et non à sa valeur vénale. C'est dire que pour ces immobilisations, l'accroissement de cette dernière reste en principe étranger à l'application de la politique d'amortissement. Celle-ci est dominée par la durée d'utilisation économique probable par l'entreprise. C'est sur cette durée que son coût d'acquisition doit être réparti.
Par ailleurs, l'arrêt de la politique d'amortissement aurait pour effet d'affecter implicitement une plus-value de réévaluation à la compensation d'une charge d'amortissement; une telle procédure est prohibée par l'arrêté.
L'évolution de la «valeur» du bien en cause ne pourrait influencer la politique d'amortissement sur base du prix d'acquisition qu'à la suite d'une redéfinition de cette politique, axée sur une réestimation de la durée d'utilisation économique probable du bien ou de sa valeur résiduaire au terme de cette période.
Enfin, si la valeur d'utilisation du bien dépasse durablement la valeur pour laquelle il est repris au bilan, la préoccupation de montrer dans les comptes annuels la consistance réelle du patrimoine de l'entreprise résultera tout naturellement d'une réévaluation opérée conformément à l'article 34 de l'arrêté susvisé.