COMMISSION DES NORMES COMPTABLES

Avis CNC 2010/20 - Le traitement comptable des indemnités de transfert payées en cas de mutation de footballeurs (non-amateurs et professionnels) 

Avis du 10 novembre 2010

Introduction

Un club de football qui souhaite participer aux compétitions officielles, adhère, en Belgique, à l’Union Royale Belge des Sociétés de Football-Association (ci-après : URBSFA1 ). 

Afin de participer aux matches officiels ou amicaux d’un club, le joueur doit également être affilié à l’URBSFA. Les joueurs des clubs de football affiliés se voient automatiquement attribuer la qualité de joueurs affectés affiliés à l’URBSFA : il s’agit de personnes physiques dont l’affiliation est proposée par un club effectif2 . Cependant, il y a aussi des joueurs non affectés affiliés à l’URBSFA. En l’occurrence, ces derniers ne sont pas affectés à un club de football déterminé et ils seront, par conséquent, tenus de payer personnellement une contribution fédérale individuelle annuelle. La qualification d’un joueur pour participer aux matches officiels ou amicaux d’un club est encore subordonnée à plusieurs conditions3 . Ainsi,  un joueur doit être affecté à la suite d’un transfert définitif, ou prêté temporairement au moyen d’un transfert temporaire à ce club (les systèmes de transfert sont commentés plus en détail plus loin dans le texte).

Les joueurs ont le statut d’amateur, de non-amateur ou de professionnel4 . Seuls les non-amateurs et les professionnels peuvent être liés par un contrat. Ces contrats sont conclus entre un joueur concerné et un club et ils ont une durée de cinq saisons au plus5 . Ainsi, un sportif rémunéré s’engage par contrat à exercer au sein d’un club déterminé son activité sportive comme profession, à répondre à toutes les convocations qui lui sont adressées par son club et à fournir toutes les prestations que le club requiert. Ce contrat doit répondre aux conditions légales et réglementaires, y compris issues des conventions collectives de travail6 .

Un joueur ne peut obtenir un changement d’affectation ou une qualification temporaire pour un autre club de football que par la réalisation d’un transfert7 . Une distinction est opérée entre les transferts nationaux et les transferts internationaux.

Un transfert national ordinaire est réalisé avec l’accord des deux clubs intéressés et de l’affilié. Les transferts nationaux ordinaires peuvent être conclus à titre définitif, c.-à-d. impliquant l’affectation de l’affilié à un autre club pour une durée indéterminée. A partir d’une date fixée contractuellement, ce dernier club obtient le droit exclusif, à la suite de ce transfert, de faire usage des prestations sportives du joueur concerné. 

Si le transfert national est conclu à titre temporaire, l’affilié est qualifié à un autre club pour une durée déterminée, mais il continue à être affecté à son club d’origine. Au terme du transfert temporaire, le joueur retourne d’office à son club d’origine. La durée de ce transfert temporaire ne peut pas excéder la durée de son contrat avec le club cédant.

Les transferts internationaux sont réglés par la réglementation FIFA 8 .

En 1995, l’arrêt Bosman9  a considérablement changé le paysage des transferts européens. D’une part, il n’est plus possible de réclamer une indemnité de transfert pour un joueur en fin de contrat. D’autre part, les quotas limitant le nombre de joueurs étrangers ressortissants d’un autre Etat membre de l’Union européenne ont été abrogés.

La CNC a été interrogée sur la question de savoir comment traiter10  dans la comptabilité d’un club11 , les indemnités payées pour un joueur à la suite d’un contrat de transfert.

Législation belge

La réglementation belge ne définit pas ce qu’il faut entendre par un actif. Généralement parlant, il s’agit de moyens qui doivent être disponibles afin de développer une entreprise.

Un transfert peut être considéré comme une cession de droits ou la concession temporaire de droits relatifs à un joueur, selon qu’il s’agit d’un transfert définitif ou temporaire12 . Au moment du transfert d’un sportif, le club bénéficiaire obtient définitivement ou temporairement la possibilité de bénéficier exclusivement, dans le cadre de ses objectifs, des talents en tant que tels du joueur concerné.

Art. 95, § 1er, troisième alinéa de l’arrêté royal du 30 janvier 2001 portant exécution du Code des sociétés (ci-après : AR C.Soc.), prévoit qu’il y a lieu d’entendre par concessions, brevets, licences, marques et autres droits similaires, d’une part, les brevets, licences, savoir-faire, marques et autres droits similaires, qui sont la propriété de la société, d’autre part, les droits d’exploitation de biens-fonds, de brevets, licences, marques et autres droits similaires appartenant à des tiers ainsi que la valeur d’acquisition du droit de la société d’obtenir de tiers des prestations de services de savoir-faire lorsque ces droits ont été acquis à titre onéreux par la société.

Suite à un transfert, un club bénéfice au moins du droit d’obtenir des prestations de services de tiers, en l’occurrence, du joueur affilié à l’URBSFA13 . La Commission en conclut que, en cas d’un transfert définitif, ces droits acquis constituent une immobilisation incorporelle.

Les normes internationales d’information financière IFRS/IAS

On peut également s’inspirer des normes internationales d’information financière, qui définissent un actif comme une ressource contrôlée par une entité du fait d’événements passés et à partir de laquelle on s’attend à ce que des avantages économiques futurs reviennent à l’entité14 .

Les normes internationales d’information financière définissent une immobilisation incorporelle dans IAS 38 Immobilisations incorporelles comme un actif non monétaire identifiable sans substance physique15 .

Un actif est identifiable s’il :
 

  • est séparable, c’est-à-dire susceptible d’être séparé ou dissocié de l’entité et d’être vendu, cédé, concédé par licence, loué ou échangé, soit individuellement, soit en même temps qu’un contrat, un actif identifiable ou un passif identifiable qui lui est lié, peu importe si l’entité entend ou non en arriver là ; ou
     
  • résulte de droits contractuels ou d’autres droits légaux, que ces droits soient ou non cessibles ou séparables de l’entité ou d’autres droits et obligations16 .

En ce qui concerne l’identification et la reconnaissance de certaines compétences du personnel, l’IAS 38 indique qu’il est peu probable qu’un talent spécifique en matière de technique puisse satisfaire à la définition d’immobilisations incorporelles, à moins que ce talent ne soit protégé par des droits permettant son utilisation et l’obtention des avantages économiques futurs attendus de ce talent. En ce qui concerne les contrats de transfert des sportifs professionnels, cette condition est remplie. Cela implique que, dans le cadre des normes IAS/IFRS, les droits concernés constituent également une immobilisation incorporelle.

Traitement comptable des indemnités de transfert payées

Transferts à caractère définitif


Sur la base des arguments précités, la Commission estime pouvoir conclure que l’indemnité payée pour l’acquisition des droits exclusifs aux prestations sportives d’un joueur, peut être portée sous les immobilisations incorporelles. Il est dans l’intention du club bénéficiaire d’utiliser ces joueurs pendant des matches. Le lien qui est établi dès lors entre ces joueurs et le club, est à l’origine de revenus futures provenant des tickets, des abonnements, l’attraction de (nouveaux) sponsors, des revenus provenant de merchandising, des droits tv, etc.

Chaque indemnité de transfert payée, portée sous les immobilisations incorporelles, fera l’objet d’une évaluation distincte17  à la valeur d’acquisition et sera portée au bilan pour cette même valeur, déduction faite des amortissements y afférents18 .

Il y a lieu d’entendre par valeur d’acquisition :  le prix d’acquisition au sens de l’article 36 AR C.Soc., le coût de revient au sens de l’article 37 AR C.Soc., ou la valeur d’apport au sens de l’article 39 AR C.Soc.

Le prix d’acquisition comprend, outre le prix d’achat, les frais accessoires. En ce qui concerne les indemnités de transfert payées, on peut considérer, à titre d’exemple, que seront inscrites à l’actif comme des frais accessoires, les indemnités de formation additionnelles, payées à la suite d’un transfert d’un joueur qui n’a pas encore atteint l’âge de 23 ans19 , de même que l’indemnité de transfert20 .
 
Les indemnités de transfert inscrites à l’actif seront amorties sur la durée convenue du contrat21 , compte tenu d’une valeur résiduelle éventuelle. Cette façon de procéder permet de faire correspondre, conformément au principe comptable de rapprochement, les frais résultant du paiement de l’indemnité de transfert et les produits futurs que les joueurs sont appelés à générer. 

Les amortissements doivent répondre aux critères de prudence, de sincérité et de bonne foi22 . Ils doivent être constitués systématiquement sur base des méthodes arrêtées par la société conformément à l’article 28, § 1er. Ils ne peuvent dépendre du résultat de l’exercice23

Beaucoup de contrats de transfert sont conclus pour une durée déterminée mais peuvent éventuellement faire l’objet d’un prolongement optionnel de, par exemple, 1 an. Initialement, lors de la détermination de la durée du contrat, il ne sera pas tenu compte, pour le calcul des amortissements, de cette possibilité de prolongation. De l’avis de la Commission, les frais additionnels résultant d’une prolongation décidée au moins trois mois avant la fin du contrat constituent des frais à charge de la période de prolongation.

Une partie du prix de transfert peut également être variable et due uniquement si une série de critères sont remplis. Ainsi, il se peut qu’un montant additionnel doive être payé si le club dont le joueur concerné fait partie, parvient à se qualifier pour un certain tournoi. Si le fait que ces critères ont été remplis entraîne également des avantages futurs pour le club, l’indemnité additionnelle sera traitée conformément à l’avis CNC 126/10 Immobilisation acquise pour un prix variable dépendant du bénéfice ultérieur du cessionnaire24 . Dès que l’indemnité variable additionnelle est certaine, il s’agit d’une partie additionnelle du prix d’acquisition. Conformément à l’avis CNC 126/10, chaque partie additionnelle du prix d’acquisition est amortie sur la durée restante du contrat. Ce n’est que de cette manière que les charges additionnelles sont prises en résultats lorsque les avantages additionnels pour le club apparaissent. Toutefois, si le paiement de l’indemnité variable additionnelle est lié à une condition plutôt éphémère, comme par exemple la condition de gagner un seul match, la Commission n’exclut néanmoins pas la possibilité de prendre immédiatement en résultats cette indemnité variable additionnelle.

Il sera procédé à des amortissements complémentaires ou exceptionnels lorsque, en raison de blessures, rupture du contrat, maladie ou accident, la valeur comptable des indemnités de transfert inscrites à l’actif dépasse leur valeur d’utilisation pour la société, par exemple en cas de décès du joueur ou lorsqu’un certificat médical démontre que le joueur concerné ne peut plus jouer à un niveau professionnel. Les indemnités éventuelles qui, dans ce contexte, sont perçues par exemple de compagnies d’assurances, sont comptabilisées au titre de produits au moment de leur attribution. Ainsi, elles peuvent neutraliser partiellement les charges comptabilisées, sans porter préjudice au principe de non compensation visé à l’article 25, § 2 AR C.Soc.

Les salaires et toutes les autres charges et obligations sociales y afférentes, résultant du contrat de travail avec les joueurs concernés, sont imputés comme des frais afférents à la période.

Transferts à caractère temporaire


Lorsqu’il s’agit d’un transfert à caractère temporaire, le club qui peut aligner le joueur payera une indemnité au club qui met le jouer à sa disposition. 

L’indemnité reçue suite à la « mise à la disposition du joueur » au moyen d’un transfert temporaire à un autre club, sera imputée, au sein du club qui prête le joueur d’une telle manière, comme produit de la période. En cas d’indemnité unique pour l’entièreté de la période, celle-ci sera prise en résultat sur la période du contrat de transfert temporaire, en utilisant les comptes de régularisation. 

L’indemnité payée est portée dans la comptabilité du club engageant temporairement sous contrat le joueur, à un sous-compte du groupe de comptes 61 Services et biens divers. En cas d’indemnité unique, celle-ci sera étalée sur la période du contrat de transfert temporaire, en utilisant les comptes de régularisation. Les salaires et toutes les charges et obligations sociales résultant du contrat de travail avec les joueurs concernés, sont imputés comme des frais afférents à la période.
 

  • 1L’URBSFA est une ASBL. Elle est l’organisme central qui représente officiellement le football en Belgique et à l’étranger. L’URBSFA a pour but l’organisation administrative et sportive ainsi que la propagation du football sous toutes ses formes (art. 102 Règlement fédéral).
  • 2Sans préjudice des dispositions relatives à la qualification, une même personne ne peut être affectée à plus d’un club effectif.
  • 3Voir à cet effet les articles 1001 et suivants du Règlement fédéral.
  • 4Article 526 du Règlement fédéral. Une différence importante consiste en ce que les non-amateurs peuvent être affectés à tous les clubs, là où les professionnels ne peuvent être affectés qu’aux clubs professionnels. En outre, les professionnels exercent leur activité sportive comme profession.
  • 5Pour les joueurs de plus de 18 ans. Les contrats avec des joueurs de moins de 18 ans ont une durée de trois saisons au plus. Il est interdit à tout club d’engager des négociations de transfert avec un joueur sous contrat dont le contrat avec un autre club n’expire pas en fin de saison.
  • 6Les contrats avec les non-amateurs sont établis conformément aux dispositions légales et réglementaires, sans référence aux conventions collectives de travail.
  • 7Il s’agit de mutations, telles que décrites par les articles 901 et suivants, Titre 9 Les mutations des joueurs et des affiliés du Règlement fédéral de l’Union Royale Belge des Sociétés de Football-Association (URBSFA) 2009/2010.
  • 8Fédération Internationale de Football Association, Regulations on the Status and Transfer of Players.
  • 9Cour de Justice des Communautés européennes, C-415/93, 15 décembre 1995, concernant l’application de l’art. 48 du Traité CEE.
  • 10La Commission estime que les conclusions de cet avis peuvent aussi être importantes pour le traitement de telles indemnités dans la comptabilité d’autres sports.
  • 11En ce qui concerne le traitement comptable, le texte de l’avis fait référence à l’AR C.Soc. En cas d’une ASBL, l’article 7 de l’arrêté royal du 19 décembre 2003 relatif aux obligations comptables et à la publicité des comptes annuels de certaines associations sans but lucratif, associations internationales sans but lucratif et fondations, ne comporte pas des dispositions dérogatoires.
  • 12Voir également le point de vue en cette matière de l’Administration de la TVA plus loin dans le texte.
  • 13La réglementation TVA considère les transferts également comme des cessions de droits ou l’octroi temporaire de doits relatif à un joueur, selon qu’il s’agit d’un transfert définitif ou temporaire. En ce sens, conformément à la cession ou la concession d’un droit d’auteur, d’un brevet, d’un droit de licence, d’une marque de fabrique ou de commerce ou d’autres droits similaires, comme visés à l’article 21, § 3, 7°, a) du Code de la TVA, il y a lieu d’entendre également par ce dernier le transfert libre des joueurs entre des clubs de football. Cela correspond au point de vue en cette matière de la Commission européenne, selon lequel, du point de vue d’une disposition uniforme du lieu du service, le transfert d’un sportif est considéré comme l’octroi de droits dans le chef de ce sportif. Par conséquent, la convention conclue entre les clubs, soit par suite de laquelle les droits dans le chef d’un joueur de football sont cédés définitivement, soit par suite de laquelle les droits dans le chef d’un joueur sont temporairement octroyés, peut être considérée comme un service au sens du C.TVA.
  • 14Cadre, alinéa 49.
  • 15IAS 38.8.
  • 16IAS 38.12.
  • 17Article 31 AR C.Soc.
  • 18Article 35 AR C.Soc.
  • 19Conformément aux dispositions des circulaires n° 769 du 24 août 2001 et 826 du 31 octobre 2002 émanant de la FIFA (Article 20 Training compensation, Regulations on the Status and Transfer of Players, Fédération Internationale de Football Association).
  • 20Décision TVA n° E.T.109.759 dd. 08.08.2005: lorsqu’à l’occasion du transfert d’un joueur qui n’a pas encore atteint l’âge de 23 ans, un club de football reçoit d’un autre club une indemnité de formation, cette indemnité ne constitue pas la contrepartie d’une prestation de services au sens du Code de la TVA. Ladite indemnité n’est dès lors pas soumise à la taxe.
  • 21Article 45 AR C.Soc.: Par « amortissements » on entend les montants pris en charge par le compte de résultats, relatifs aux frais d’établissement et aux immobilisations incorporelles et corporelles dont l’utilisation est limitée dans le temps, en vue soit de répartir le montant de ces frais d’établissement et le coût d’acquisition, éventuellement réévalué, de ces immobilisations sur leur durée d’utilité ou d’utilisation probable, soit de prendre en charge ces frais et ces coûts au moment où ils sont exposés.
  • 22Article 46 AR C.Soc.
  • 23Article 48 AR C.Soc.
  • 24Bulletin CNC, n° 30, février 1993, 17-19.