COMMISSION DES NORMES COMPTABLES
Avis CNC 2010/20 - L’utilisation d’un logiciel comptable uniforme par des entreprises internationales
Avis du 10 novembre 2010
Introduction
Les filiales et succursales ou sièges d’opérations belges des entreprises internationales sont souvent tenus de respecter certaines méthodes normalisées de comptabilisation, élaborées par la société mère ou le siège social étranger. La question se pose de savoir si les exigences que la société mère étrangère entend imposer sont conformes aux obligations comptables belges.
Filiales et succursales ou sièges d’opérations belges d’entreprises internationales
La loi comptable belge
En vertu de l’article 1er, deuxième alinéa de la loi du 17 juillet 1975 (ci-après Loi comptable), les entreprises de droit étranger qui ont établi en Belgique des succursales et sièges d’opérations, doivent, comme toutes les entreprises en Belgique, tenir une comptabilité et établir un inventaire et des comptes annuels, en se conformant aux dispositions de la loi et des arrêtés pris pour son exécution.1
Plan comptable minimum normalisé (PCMN)
Conformément à l’article 4, cinquième alinéa de la Loi comptable, les comptes ouverts sont définis dans un plan comptable approprié à l'activité de l'entreprise. Ce plan comptable doit répondre aux conditions du plan comptable minimum normalisé (ci-après PCMN).2 Cette normalisation minimale a été introduite afin d’assurer la concordance des plans comptables et des schémas du bilan et des comptes annuels.3 Ainsi, tout logiciel comptable d’une entreprise établie en Belgique devra comporter au minimum les comptes prescrits par l’arrêté royal, y compris les numéros indiqués.4 Ce plan comptable peut être développé selon les besoins et les activités de l’entreprise, notamment en adaptant la dénomination des comptes, en introduisant des sous-comptes ou en ajoutant des comptes additionnels.5
L’article 14 de la Loi comptable prévoit que le ministre de l’Economie ou le ministre des Classes moyennes (pour les sociétés et les autres entreprises qui peuvent être déclarées petites au sens du C.Soc.), peut, dans des cas particuliers et après avis motivé de la CNC, octroyer une dérogation aux règles fixées en vertu de l’article 4, sixième alinéa de la Loi comptable.6 Il apparaît clairement que le Gouvernement était très attentif aux difficultés qui pourraient résulter de l’adoption d’un plan comptable obligatoire. En effet, les activités des entreprises ou de groupes de sociétés peuvent s’exercer dans divers pays, ayant chacun sinon un plan normalisé du moins des législations particulières divergentes en matière de comptabilité.7
Cependant, selon la Commission, l’article 14 de la Loi comptable ne comporte pas une possibilité générale de dérogation.8 Par conséquent, une dispense totale de l’utilisation obligatoire d’un plan comptable normalisé ne peut pas être attribuée aux entreprises internationales.
La Commission estime qu’une solution partielle à cette problématique peut consister en la tenue d’un plan comptable dupliqué.
Bien que, initialement, la Commission donnait la préférence à un plan comptable unique et qu’elle estimait qu’une duplication des plans comptables (notamment le PCMN et le plan comptable du groupe imposé par la société mère) n’était pas la solution la plus heureuse, dans son avis R100/3, elle n’avait pas d’objection fondamentale à l’égard de cette méthode. Néanmoins, l’exigence minimum était que les mouvements totaux en débit et en crédit de chacun des comptes du plan comptable normalisé seraient transposés mensuellement et que les opérations de base ainsi que les pièces justificatives pourraient être retrouvées directement ou indirectement, mais toujours via une liaison structurelle entre les deux plans.9
Etant donné que les investisseurs potentiels, intervenant sur les marchés des capitaux internationaux et étrangers, sont souvent effrayés par ces obligations administratives additionnelles, la Commission estime que l’avis R100/3 ne peut plus être appliqué.
Une entreprise peut utiliser un plan comptable autre que le PCMN, à condition qu’elle puisse présenter à tout moment une balance générale des comptes par la voie d’une table de concordance, établie conformément aux prescriptions de l’arrêté royal du 12 septembre 1983 relatif au PCMN, sans l’imposition d’une « relation un à un ».10
Cela signifie que cette table de concordance doit permettre de retrouver systématiquement le compte du PCMN qui correspond à un ou plusieurs comptes d’un autre plan comptable. En outre, pour chaque compte du grand livre du PCMN, un historique doit être disponible comportant une référence directe aux pièces justificatives concernées. 11 La table de concordance est tenue en permanence tant au siège de l'entreprise qu'aux services comptables importants de l'entreprise, à la disposition de toute personne intéressée.
En ce qui concerne la langue dans laquelle la comptabilité est tenue, la Commission souhaite souligner que les entreprises doivent respecter les dispositions légales relatives à l’emploi des langues.12
Succursales étrangères d’entreprises belges
Dans son avis 172/1, la CNC stipule que, sous l'angle du droit civil et du droit commercial, la succursale étrangère d'une entreprise belge fait partie intégrante de celle-ci.13 Contrairement au cas des succursales et des sièges d’opérations belges des entreprises étrangères, dans le cas présent, on ne peut parler d’une personnification comptable ou d’une fiction de l’autonomie.14
Dans les cas où la succursale ou le siège d’opération est établi dans un autre pays que son siège, conformément à la législation du pays d’établissement, la succursale n’est pas seulement tenue de tenir une comptabilité distincte relative à ses opérations sur place, cette comptabilité doit en outre être tenue conformément aux règles applicables dans ce pays. L’intégration des comptes de cette succursale étrangère dans la comptabilité de l’entreprise belge concernée peut également poser des problèmes à l’occasion du retraitement et de la conversion. En effet, un retraitement peut être nécessaire étant donné que la succursale utilise entre autres les dénominations de comptes fixées dans ce pays, qui souvent dérogent aux règles et aux dispositions du pays du siège.15 Toujours de l’avis de la Commission, les comptes de succursales étrangères de sociétés mères établies en Belgique doivent, à tout moment, pouvoir être convertis dans le plan comptable visé à l’arrêté royal du 12 septembre 1983, par la voie d’une table de concordance.
- 1Cf. l’avis CNC 1/1 « Entreprises de droit étranger – Applicabilité de la loi et des arrêtés pris pour son exécution », Bulletin CNC, n° 1, août 1997, 7. Pour la définition de « succursales et sièges d’opérations en Belgique des entreprises de droit étranger”, voir l’avis CNC 1/5 « Entreprises de droit étranger : Succursales et sièges d'opérations en Belgique – Notion », Bulletin CNC, n° 3, juillet 1978, 12 et l’avis CNC 1/5bis « Succursales et sièges d'opérations en Belgique d'entreprises de droit étranger – Notion », Bulletin CNC, n° 10, avril 1983, 4-5.
- 2Arrêté royal du 12 septembre 1983 déterminant la teneur et la présentation d’un plan comptable minimum normalisé, MB du 29 septembre 1983. L’article 1, 4° de cet arrêté royal donne une énumération des entreprises qui ne sont pas soumises à cette obligation. Sont notamment visées les succursales établies en Belgique par des entreprises étrangères lorsque ces succursales n'ont pas de produits propres liés à la vente de biens ou à la prestation de services à des tiers ou à des biens livrés ou à des services prestés à l'entreprise étrangère dont elles relèvent, et dont les charges de fonctionnement sont supportées entièrement par cette dernière.
- 3Rapport au Roi de l’arrêté royal du 7 mars 1978 déterminant la teneur et la présentation d’un plan comptable minimum normalisé, MB du 13 mai 1978. L’avis du Conseil central de l’Economie du 12 juin 1972 dispose également que le schéma prescrit de comptes annuels entraine la tenue par l’entreprise d’une comptabilité permettant d’établir les comptes annuels par la voie d’une simple transposition.
- 4A l’exception des entreprises visées à l’article 1, 4° de l’arrêté royal du 12 septembre 1983.
- 5Dans le Rapport au Roi de l’arrêté royal du 7 mars 1978, deux objectifs sont mis en évidence: l’introduction d’une normalisation minimale du plan comptable et l’adaptation aux activités de l’entreprise. Voir en outre l’avis CNC R100/1 « Ouverture de comptes additionnels », Bulletin CNC, n° 5, mai 1979, 18-19.
- 6L’article 4, alinéa 6 de la Loi comptable stipule que le Roi est compétent pour déterminer, par la voie d’un arrêté royal, la teneur et la présentation d’un plan comptable minimum normalisé. Par conséquent, plusieurs questions qui ont été posées à la Commission, relatives à l’application des dispositions de la loi elle-même et non à l’application des arrêtés pris en son exécution, ont été jugées irrecevables: voir l’avis CNC 108/1 « Dérogations aux dispositions de l'arrêté royal du 8 octobre 1976 – Procédure », Bulletin CNC, n° 1, août 1977, 22-23; l’avis CNC 108/3 « Politique de la Commission des Normes Comptables en matière d'avis relatifs aux demandes individuelles de dérogation pour cause de perturbation des conditions de concurrence », Bulletin CNC, n° 18, janvier 1986, 5-7.
- 7Rapport au Roi de l’arrête royal du 7 mars 1978, MB du 13 mai 1978.
- 8Cf. l’avis CNC R100/2 « Adaptation du plan comptable de l'entreprise », Bulletin CNC, n° 5, mai 1979, 20-22.
- 9Avis CNC R100/3 « Plan comptable propre de l'entreprise - Plan comptable du groupe », Bulletin CNC, n° 6, janvier 1980, 20-21.
- 10L’obligation de l’observation de la « relation un à un » implique que pour chaque compte étranger, un compte équivalent soit disponible qui répond aux conditions du plan belge normalisé, et vice versa.
- 11 En effet, l’article 6 de la Loi comptable prévoit que toute écriture s'appuie sur une pièce justificative datée et porte un indice de référence à celle-ci. Conformément à l’avis CNC 174/1 « Les principes d'une comptabilité régulière »,Bulletin CNC, n° 38, février 1997, 2-32, le lien entre l'écriture et la pièce justificative doit résulter d'une référence réciproque, permettant à tout moment d'aller de l'écriture à la pièce justificative et de la pièce justificative à l'écriture.
- 12Article 52, § 1 des lois sur l’emploi des langues en matière administrative, coordonnées par l’arrêté royal du 18 juillet 1966, MB du 2 août 1966 ; les articles 1, 2 et 5 du décret du 19 juillet 1973 réglant l’emploi des langues en matière de relations sociales entre employeurs et travailleurs, ainsi qu’en matière d’actes et de documents d’entreprise prescrits par la loi et les règlements, MB du 6 septembre 1973 ; les articles 1 et 2 du décret du 30 juin 1982 relatif à la protection de la liberté de l’emploi des langues et de l’usage de la langue française en matière de relations sociales entre les employeurs et leur personnel, ainsi que d’actes et documents des entreprises imposés par la loi et les règlements, MB du 27 août 1982.
- 13Avis CNC 172/1 « Intégration des comptes d'une succursale étrangère », Bulletin CNC, n° 35, octobre 1995, 18.
- 14Cependant, dans le cadre de la bonne gestion, les succursales étrangères sont souvent considérées comme des personnes distinctes.
- 15Avis CNC 172/1 « Intégration des comptes d'une succursale étrangère », Bulletin CNC, n° 35, octobre 1995, 18.