COMMISSION DES NORMES COMPTABLES

Avis CNC 2024/04 – Remboursement aux actionnaires de capital en devises étrangères 

Avis du 21 février 20241  

Introduction

Lorsqu’une société belge (tenant sa comptabilité en euros) acquiert une participation dans une société dont la monnaie fonctionnelle n’est pas l’euro, le montant de l’apport en numéraire en devises étrangères est converti en euros en principe au taux de change du jour de l’opération2  (taux de change historique). Cette participation reste toujours inscrite dans la comptabilité et les comptes annuels de la société belge au taux de change historique.

Le présent avis s’intéresse au traitement comptable dans le chef d’une société belge-actionnaire d’un remboursement (partiel) de capital3  par une société étrangère dont la monnaie fonctionnelle n’est pas l’euro, qui donne lieu à une perte (ou un gain) de change dans le cas où le taux de change historique de la devise étrangère à l’égard de l’euro est supérieur (ou inférieur) au taux actuel.

Le présent avis se limite aux devises étrangères stables internationalement reconnues, comme par exemple celles des pays de l’OCDE4 .

Notons que la Commission a rendu dans le passé un avis concernant le traitement comptable des actifs financiers non monétaires en devises5 . Le présent avis doit se lire dans la continuité de l’avis CNC 152/4.

Traitement comptable

L’article 3:13 de l’arrêté royal portant exécution du Code des sociétés et des associations (ci-après : AR CSA) énonce le principe suivant : les éléments de l'actif sont évalués à leur valeur d'acquisition et sont portés au bilan pour cette même valeur.

Dans son avis CNC 152/4, la Commission précise que la valeur d’acquisition pour laquelle les actifs non monétaires (notamment les participations et les actions) sont et demeurent inscrits dans les comptes annuels est la valeur d'acquisition en euros obtenue en appliquant au prix en devises le cours de conversion retenu6 . La valeur d'acquisition de ces actifs n'est pas - en principe - influencée par l'évolution ultérieure du cours de change de la monnaie en laquelle la dette d’achat est libellée, ni par le cours effectif auquel, à l’échéance, la dette est acquittée. Il y a lieu de considérer en effet que l'évolution de la valeur de la monnaie en laquelle la dette est libellée est et reste étrangère à la détermination de la valeur d'acquisition de ces actifs non monétaires7 .

Dès la détermination de la valeur d'acquisition en euros, il ne doit plus – et il ne peut plus – être tenu compte du fait que cette valeur d'acquisition était initialement libellée en une autre devise. Par conséquent, la valeur d'acquisition ne doit plus être adaptée à l'évolution ultérieure du cours de change de la devise étrangère.

En associant le principe énoncé à l’article 3:13 de l’AR CSA (principe de la comptabilisation à la valeur d’acquisition) au fait que les participations sont des actifs non monétaires (empêchant en principe cette valeur d’acquisition d’être adaptée à l’évolution ultérieure du cours de change), un remboursement de capital en devises étrangères par une société étrangère (qui entraîne une diminution8  de la valeur comptable de la participation de la société actionnaire) doit être converti, dans le chef de la société-actionnaire, en euros au taux de change historique9  et non au taux de change actuel10 . Ainsi, le montant dont sera créditée la valeur comptable de la participation ne sera pas affecté par l'évolution ultérieure du cours de change. Cependant, le taux de change actuel sera déterminant pour la comptabilisation de la créance résultant de la décision de remboursement.

En cas de dépréciation de la devise étrangère face à l’euro11 , l'imputation (crédit) sur la participation (au taux de change historique) excède la valeur comptable de la créance suite à la réduction de capital (au taux actuel12 ). Une charge (perte de change) doit ainsi être comptabilisée (à concurrence de la différence entre, d’une part, le crédit de la participation et d’autre part, le débit de la créance) sur le compte 654 Différences de change.

En cas d’appréciation de la devise étrangère face à l’euro13 , l'imputation (crédit) sur la participation (au taux de change historique) est inférieure à la valeur comptable de la créance suite à la réduction de capital (au taux actuel14 ). Un produit (gain de change) doit ainsi être comptabilisé (à concurrence de la différence entre, d’une part, le crédit de la participation et, d’autre part, le débit de la créance) sur le compte 754 Différences de change.

Exemples

Exemple 1

Imaginons qu’en 20X0, la société belge A constitue une société B aux Etats-Unis via l’apport de 100.000 USD au capital. Lors de la souscription du capital, le taux de change EUR/USD est de 1,30 EUR pour 1 USD. La société A comptabilise sa participation dans ses comptes annuels pour 130.000 EUR.

Écritures au cours de l'exercice 20X0

28 Immobilisations financières 130.000  
  à 55 Etablissements de crédit : compte-courant    130.000

Hypothèse 1 : dans le courant de l’année X+3, la société B procède à une réduction de capital de 50 % par un remboursement de 50.000 USD à la société A. Le taux de change EUR/USD est alors de 1,20 EUR pour 1 USD15 . Le montant de 50.000 USD ne représente ainsi plus que 60.000 EUR.

La société A doit rendre compte à l’actif de son bilan que l’investissement dans la société B a été réduit de moitié. La société A doit ainsi réduire la valeur d’acquisition des actions B à concurrence de 65.000 EUR (soit 50.000 EUR au taux de change historique) afin de rendre compte de la véritable valeur historique d’acquisition de l’investissement de la société A dans B. 

La société A doit ensuite comptabiliser (1) le montant du remboursement de capital en banque, soit 50.000 USD ou 60.000 EUR et (2) une charge (perte de change) de 5.000 EUR.

Écritures au cours de l'exercice 20X3 au moment du remboursement effectif du capital

55 Etablissements de crédit : compte courant 60.000  
654 Différences de change 5.000  
  à 28 Immobilisations financières   65.000

Hypothèse 2 : dans le courant de l’année X+3, la société B procède à une réduction de capital de 50 % par un remboursement de 50.000 USD à la société A. Le taux de change16  EUR/USD est alors de 1,40 EUR pour 1 USD. Le montant de 50.000 USD représente alors 70.000 EUR.

La société A doit rendre compte à l’actif de son bilan que l’investissement dans la société B a été réduit de moitié. La société A doit ainsi réduire la valeur d’acquisition des actions B à concurrence de 65.000 EUR (soit 50.000 USD au taux de change historique) afin de rendre compte de la véritable valeur historique d’acquisition de l’investissement de la société A dans B. 

La société A doit ensuite comptabiliser (1) le montant du remboursement de capital en banque, soit 50.000 USD ou 70.000 EUR et (2) un produit (gain de change) de 5.000 EUR.

Écritures au cours de l'exercice 20X3 au moment du remboursement effectif du capital

55 Etablissements de crédit : compte courant 70.000  
  à 28 Immobilisations financières   65.000
    754 Différences de change   5.000

Exemple 2

Partons du principe qu'à la suite d'un changement dans la structure de l’actionnariat, le montant du capital ou de l’apport détenu par l’actionnaire dans la filiale ne correspond plus à la valeur d'acquisition de sa participation.

Supposons qu’en 20X0, la société belge A constitue une société B aux Etats-Unis via l’apport de 100.000 USD au capital. Lors de la souscription du capital, le taux de change EUR/USD est de 1,30 EUR pour 1 USD. La société A comptabilise sa participation à concurrence de sa valeur d'acquisition, à savoir 130.000 EUR.

Écritures au cours de l’exercice 20X0 dans le chef de la société A

28 Immobilisations financières 130.000  
  à 55 Etablissements de crédit : compte courant    130.000

Supposons qu’en 20X1, la société belge C acquiert la participation de la société A dans la société B pour un montant de 80.000 USD. Au moment de l’acquisition, la société américaine B présente un capital de 100.000 USD et des pertes à reporter de 20.000 USD. 

Converti au taux de change historique (en vigueur au moment de la constitution de la société B, c.-à-d. 1,3 EUR pour 1 USD), le montant de 80.000 USD s'élève à 104.000 EUR. 

De ce fait, la vente de la participation entraîne une moins-value sur réalisation d'actifs immobilisés de 26.000 EUR dans le chef de la société A (valeur d'acquisition initiale 130.000 EUR – 104.000 EUR). 

Toutefois, étant donné qu’au moment du transfert de la participation à la société C en 20X1, le taux de change était de 1,4 EUR pour 1 USD, ce transfert entraîne une créance de 112.000 EUR (prix de vente 80.000 USD x 1,4).

La différence entre le montant de la créance au taux de change au moment de la vente (112.000 EUR) et le montant de la créance convertie au taux de change initial (104.000 EUR) s'élève à 8.000 EUR et provient uniquement de l'évolution du taux de change. Cette différence est prise en résultat en tant que différence de change.

Écritures à la vente de la participation dans le chef de la société A

416 Créances diverses 112.000  
663 Moins-value sur réalisation d'actifs immobilisés 26.000  
  à 28 Immobilisations financières   130.000
    754 Différences de change   8.000

Écritures dans le chef de la société C de l’acquisition de la participation pour 80.000 USD, converti au taux de change à la date de la transaction (80.000 USD x 1,4 EUR/USD)

28 Immobilisations financières 112.000  
  à 55 Etablissements de crédit : compte-courant    112.000

Au cours de l'exercice 20X2, la société B réalise des bénéfices qui dépassent les pertes qu'elle avait subies. Les capitaux propres de la société B s’élèvent de nouveau à 100.000 USD.

En 20X3, la société américaine B décide de rembourser 50 % de son capital (soit 50.000 USD) à son actionnaire, c.-à-d. la société C. Le taux de change est alors de 1,2 EUR pour 1 USD.

Dans les comptes de la société C, la participation a été enregistrée à la valeur d'acquisition (en tenant compte du taux de change en vigueur à l’époque), à savoir 112.000 EUR (80.000 USD x 1,4 EUR/USD). 50 % de cette participation revient à 40.000 USD ou, converti au taux de change historique, à 56.000 EUR (40.000 USD x 1,4).

De ce fait, le remboursement partiel dans le chef de la société C entraîne un produit financier non récurrent de 14.000 EUR (soit la différence entre la valeur d'acquisition initiale du capital remboursé 56.000 EUR et 70.000 EUR, c.-à-d. 50.000 USD x 1,4 EUR/USD, le montant remboursé au taux de change en vigueur au moment de l’acquisition de la participation).

A l'issue de la réduction de capital, la société C obtiendra un montant de 100.000 USD x 50 % = 50.000 USD, ce qui correspond à 60.000 EUR (= 50.000 USD x 1,2 EUR/USD). Au cours de change historique, la créance s’élèverait à 50.000 USD x 1,4 EUR/USD = 70.000 EUR. La différence entre 70.000 EUR et 60.000 EUR (= 10.000 EUR) provient uniquement de l'évolution du taux de change et est prise en résultat en tant que différence de change.

Écritures dans le chef de la société C du remboursement de capital

416 Créances diverses 60.000  
654 Différences de change 10.000  
  à 28 Immobilisations financières   56.000
    769 Autres produits financiers non récurrents   14.000


 

  • 1Le présent avis a été élaboré après la publication pour consultation publique d’un projet d’avis le 18 août 2023 sur le site de la CNC.
  • 2Pour rappel, le cours de change à utiliser comme cours de conversion est en principe celui du jour de l'opération, c'est-à-dire le jour auquel la créance ou la dette en devises qui en résulte est née.
  • 3Pour d’autres avis relatifs au remboursement de capital, la Commission renvoie aux avis CNC 121/5 - Traitement comptable de l'amortissement du capital et 151/2 - Imputation dans le chef de l'actionnaire d'un remboursement de capital ou de prime d'émission ou d'une répartition de réserves.
  • 4Les crypto-monnaies sont exclues du champ d’application du présent avis.
  • 5Avis CNC 152/1 - Comptabilisation des opérations en devises et traitement des avoirs et engagements en devises dans les comptes annuels et avis CNC 152/4 - Actifs financiers non monétaires en devises (participations et actions).
  • 6Le cours de conversion à appliquer est : le cours de change au comptant. […] Le cours de change à appliquer est le cours de change sur le marché officiel ou sur le marché libre, selon le marché sur lequel le paiement doit être opéré en exécution de la réglementation sur le change. Le cours de change à utiliser comme cours de conversion est en principe celui du jour de l'opération, c'est-à-dire le jour auquel la créance ou la dette en devise qui en résulte est née. La détermination de ce jour n'est toutefois pas toujours immédiatement évidente. Il est dès lors de pratique courante d'adopter comme cours de conversion, en cas de comptabilisation en euros, le cours de change du jour où l'opération en devise est comptabilisée (ou le cours du jour ouvrable précédent), ce cours étant, compte tenu de l'obligation légale de comptabiliser les opérations ... sans retard et ... par ordre de dates, censé être représentatif du cours du jour de l'opération. Voir avis CNC 152/1 - Comptabilisation des opérations en devises et traitement des avoirs et engagements en devises dans les comptes annuels.
  • 7Avis CNC 152/4 - Actifs financiers non monétaires en devises (participations et actions). C'est sur la base de la valeur d'acquisition en EUR ainsi déterminée que des réductions de valeur et des réévaluations sont éventuellement actées.
  • 8Il y a, sous l’angle comptable dans le chef de l’actionnaire, réduction de l'investissement à imputer sur la valeur d'acquisition des titres en cause lors de toute attribution, à quelque titre que ce soit, qui (ajoutée aux attributions antérieures effectuées depuis l'acquisition des titres en cause) excéderait ce montant cumulé des bénéfices par action réalisés depuis la date d'acquisition des actions en cause.
  • 9À savoir le taux de change appliqué au moment de la détermination de la valeur d'acquisition initiale.
  • 10À savoir le taux de change auquel doit être comptabilisée la créance à la suite de la décision du remboursement de capital.
  • 11Le taux de change historique de la devise étrangère à l’égard de l’euro est supérieur au taux actuel.
  • 12Convertie en euros au taux de change de la date à laquelle la créance est née, à savoir la date de la décision de remboursement de capital – la date de la mise en œuvre de cette décision.
  • 13Le taux de change historique de la devise étrangère à l’égard de l’euro est inférieur au taux actuel.
  • 14Convertie en euros au taux de change de la date à laquelle la créance est née, à savoir la date de la décision de remboursement de capital – la date de la mise en œuvre de cette décision.
  • 15Le taux de change historique (en 20X0, 1,00 USD = 1,30 EUR) de la devise étrangère à l’égard de l’euro est supérieur au taux actuel (en 20X3, 1,00 USD = 1,20 EUR).
  • 16Le taux de change historique (en 20X0, 1,00 USD = 1,30 EUR) de la devise étrangère à l’égard de l’euro est inférieur au taux actuel (20X3, 1,00 USD = 1,40 EUR).