COMMISSION DES NORMES COMPTABLES

Avis CNC 2017/15 – Opérations de contrôle commun (Common control transactions)

Avis du 13 septembre 20171

Introduction

Par « regroupement d'entreprises sous contrôle commun », on entend un regroupement d’entreprises dans lequel toutes les entités ou entreprises impliquées sont finalement contrôlées par la même partie ou les mêmes parties, tant avant qu’après le regroupement d’entreprises.2

Un regroupement d'entreprises, également appelé business combination, est défini comme une opération ou un autre événement au cours duquel un acquéreur obtient le contrôle d'une ou de plusieurs entreprises. Cette opération est désignée sous le terme d'acquisition.

Exemple

Exemple

La version abrégée du bilan consolidé de Holdco I au 31 décembre 2016 se présente comme suit, en millions d'euros :

31 décembre 2016
Goodwill 100 Capitaux propres 80
Immobilisations corporelles 60 Capitaux de tiers 200
Créances 120    
  280   280

Au 1er janvier 2017, Holdco II acquiert le contrôle de Holdco I pour un montant de 600 millions d'euros. Le bilan statutaire de Holdco II au 1er janvier 2017 peut être présenté comme suit :

1er janvier 2017
Intérêt dans Holdco I 600 Capitaux propres 600
  600   600

Le bilan consolidé de Holdco II au 1er janvier 2017 peut être présenté comme suit :

1er janvier 2017
Goodwill II 520 Capitaux propres 600
Goodwill I 100 Capitaux de tiers 200
Immobilisations corporelles 60    
Créances 120    
  800   800

La problématique liée à une opération de contrôle commun réside dans la reconnaissance du Goodwill II au niveau du bilan consolidé de Holdco II. Sous l’angle mathématique, ce goodwill est en effet généré par la différence entre l'actif net sous-consolidé de Holdco I au moment de son acquisition (80), et le prix payé pour son acquisition (600), soit 520.

Dans la mesure où, avant comme après l'opération, la même personne physique détient toujours le contrôle de Holdco I et de ses Opco respectives, il ne s'indique pas d'exprimer un Goodwill II dans le bilan consolidé de Holdco II.3

La directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d'entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil, prévoit en son article 25 :

« 1. Les États membres peuvent autoriser ou imposer la compensation des valeurs comptables des actions ou parts détenues dans le capital d'une entreprise comprise dans la consolidation uniquement par la fraction du capital correspondante, à condition que les entreprises regroupées soient en dernier ressort contrôlées par la même partie tant avant qu'après le regroupement d'entreprises et que ce contrôle ne soit pas transitoire.

2. Toute différence résultant de l'application du paragraphe 1 est ajoutée aux réserves consolidées ou déduite de celles-ci, selon le cas.

3. L'application de la méthode décrite au paragraphe 1, les mouvements qui en résultent pour les réserves, ainsi que le nom et le siège des entreprises concernées sont mentionnés dans l'annexe aux états financiers consolidés. ».

Il s'ensuit que la directive 2013/34/UE autorise l'application de la méthode de la mise en commun d'intérêts (pooling of interest)4 dans le cas d'un regroupement d'entreprises sous contrôle commun, comme le confirme le considérant 29 :

« Toutefois, étant donné l'absence de prix de transaction dans des conditions de concurrence normale, les États membres devraient pouvoir permettre la comptabilisation des transferts de participations intra-groupe, que l'on appelle "opérations sous contrôle commun", selon la méthode comptable de la mise en commun d'intérêts, en vertu de laquelle la valeur comptable des actions ou parts détenues dans le capital d'une entreprise comprise dans la consolidation est compensée uniquement par le pourcentage de capital correspondant. ».

Dans l'arrêté royal du 18 décembre 2015 transposant la directive 2013/34/UE du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d'entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil5 , la Belgique a préféré ne pas lever cette option laissée aux Etats membres.  

Lien avec le calcul des critères de taille dans le cas d'opérations de contrôle commun

L'article 15 du C.Soc. définit les petites sociétés sur base de la moyenne annuelle du nombre de travailleurs occupés, du chiffre d'affaires annuel, et du total du bilan. En vertu de l'article 15, § 1er du  C.Soc., les petites sociétés sont les sociétés dotées de la personnalité juridique qui, à la date de bilan du dernier exercice clôturé, ne dépassent pas plus d'une des limites suivantes :

  • nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle : 50 ;
  • chiffre d'affaires annuel, hors taxe sur la valeur ajoutée : 9 000 000 euros ;
  • total du bilan : 4 500 000 euros.

En principe, l'appréciation du dépassement des critères relatifs au chiffre d'affaires et au total du bilan sur base consolidée s'effectue exclusivement au niveau des sociétés mères au sens de l'article 6, 1° du C.Soc.6 et non à celui des autres sociétés liées si celles-ci ne sont pas elles-mêmes des sociétés mères.

Une application des critères de taille sur base consolidée n'implique pas pour la société mère l'obligation d’ établir des comptes consolidés. Dans l'optique d'une simplification de la charge administrative des entreprises, l'article 15 du C.Soc. prévoit, en son § 6, alinéa 2, la possibilité d'appliquer une méthode de calcul simplifiée.7

Tant pour le calcul sur base consolidée que pour le calcul sur base agrégée des critères visés à l'article 15 du C.Soc., une opération de contrôle commun aura toujours pour effet de présenter un total du bilan consolidé ou agrégé trop élevé.

Comme il est précisé sous le point 5, la Belgique a préféré ne pas lever l’option laissée aux Etats membres privilégiant l'application de la méthode de la mise en commun d'intérêts (pooling of interest). Or, sous l’angle de l’économie d’entreprise, l’expression dans les comptes consolidés d’un goodwill ne saurait se justifier. Se référant à l’article 141, § 1er, al. 2 de l’AR C.Soc., la Commission estime dès lors qu’un amortissement immédiat de ce goodwill s’impose, dans la mesure où, d’un point de vue économique, son maintien au niveau des comptes consolidés ne se justifie pas8 .   

De l’avis de la Commission, il s’indique de présenter le coût de cet amortissement sous le compte « charges d’exploitation non récurrentes » des comptes consolidés et de préciser, dans l’annexe, le mode de traitement de l’opération de contrôle commun.
 

  • 1Le présent avis a été élaboré après la publication pour consultation publique d’un projet d’avis le 13 juin 2017 sur le site de la CNC.
  • 2IFRS 3 Regroupements d’entreprises, paragraphe B1.
  • 3Pour cette même raison, la norme IFRS 3 Regroupements d'entreprises interdit la reconnaissance de goodwill dans une opération de contrôle commun (IFRS 3.2, c).
  • 4Sous le référentiel IFRS, cette méthode est la plus couramment appliquée, même si celle-ci n'est pas formellement recommandée par l’IASB pour le traitement d'un regroupement d'entreprises sous contrôle commun.
  • 5Ci-après : arrêté royal du 18 décembre 2015, MB 30 décembre 2015.
  • 6Donc à Holdco I et II dans l'exemple cité.
  • 7L'avis CNC 2016/3 - Application des critères de taille visés aux articles 15 et 15/1 C.Soc., 13 avril 2016, parle en l'occurrence d'un calcul sur une base agrégée.
  • 8Le goodwill ne peut pas être extourné directement au niveau des réserves de consolidation, étant donné que la législation belge ne prévoit pas cette possibilité (l’option de l’application du pooling of interest ouverte aux Etats membres n’ayant en effet pas été levée). L’amortissement exceptionnel du goodwill dégagé par une opération de contrôle commun et repris sous les charges d’exploitation non récurrentes, doit (pour autant qu’il soit significatif) faire l’objet d’une mention dans l’annexe (article 165 AR C.Soc.).