COMMISSION DES NORMES COMPTABLES
Avis CNC 2019/11 – La comptabilité simplifiée des personnes physiques, sociétés simples, sociétés en nom collectif et sociétés en commandite : critères de taille - définition du chiffre d'affaires
Avis du 16 octobre 20191
- Considérations générales
- Personnes et formes juridiques visées
- Critères de taille – définition du chiffre d'affaires – seuil de 500.000 euros
- Choix annuel
- Forme des comptes annuels - aucune obligation de publication
Considérations générales
Certaines entreprises soumises à l’obligation comptable peuvent choisir de tenir une comptabilité simplifiée au lieu d'une comptabilité selon les règles usuelles de la comptabilité en partie double. Cette liberté découle de l’article III.85, § 1er du CDE et de l’article 1er de l’AR CDE.
Dans le présent avis, la Commission précise quelles entreprises soumises à l’obligation comptable disposent de cette faculté, en fonction de leur forme juridique et de leur taille.
À titre d'observation liminaire, la Commission précise que :
- l’avis CNC 2019/09 – Entreprises soumises à l’obligation comptable passe en revue les différentes entités qui sont qualifiées d’entreprises soumises à obligation comptable ;
- le présent avis ne porte pas sur les A(I)SBL et les fondations. La Commission publiera un avis distinct sur l'évaluation des critères auxquels doivent satisfaire ces personnes morales pour pouvoir tenir une comptabilité simplifiée ;
- un avis plus détaillé sur la comptabilité et les comptes annuels des sociétés simples est en cours de rédaction ;
- les modalités pratiques de la tenue d'une comptabilité simplifiée sont décrites dans l’avis CNC 174/1 - Les principes d'une comptabilité régulière.2
Personnes et formes juridiques visées
La possibilité de tenir une comptabilité simplifiée est exclusivement réservée aux entreprises soumises à l'obligation comptable dotées d’une des formes juridiques suivantes :
- les personnes physiques qui exercent une activité professionnelle à titre indépendant ;
- les organisations sans personnalité juridique ;
- les sociétés en nom collectif (SNC) ;
- les sociétés en commandite (SComm).
Les sociétés à responsabilité limitée (SRL), sociétés coopératives (SC), sociétés anonymes (SA), sociétés européennes (SE) et sociétés coopératives européennes (SCE) doivent toujours tenir une comptabilité suivant les règles de la comptabilité en partie double, quel que soit leur chiffre d'affaires.
Critères de taille – définition du chiffre d'affaires – seuil de 500.000 euros
Définition du chiffre d'affaires
Problématique
La faculté de tenir une comptabilité simplifiée est exclusivement réservée aux entreprises soumises à l’obligation comptable susmentionnées, et ce à condition que le montant du chiffre d'affaires du dernier exercice, à l’exclusion de la TVA, n’excède pas 500.0003 euros.
Avant l’entrée en vigueur de la loi du 15 avril 2018 portant réforme du droit des entreprises, le droit comptable visait uniquement les personnes qui accomplissaient des actes de commerce ou qui avaient adopté la forme juridique d'une société commerciale.4 Il n’existait dès lors aucun doute quant à l'acception du terme ‘chiffre d'affaires’, formulé à l’article 1er de l’AR du 12 septembre 1983 (I) portant exécution de la loi du 17 juillet 1975 relative à la comptabilité des entreprises. En raison de l’élargissement de la notion d’entreprise5 et de l’extension correspondante du champ d'application de la notion d’entreprises soumises à l'obligation comptable, il s’est avéré nécessaire de clarifier la notion de chiffre d'affaires pour l’application de l’article III.85, § 1er du CDE.
La Commission fait remarquer que la limitation de responsabilité visée à l’article 2:57 du CSA est également plafonnée notamment en fonction du chiffre d'affaires.
Définition du chiffre d'affaires dans le cadre d'une comptabilité selon les règles de la comptabilité en partie double
Pour les entreprises qui tiennent une comptabilité selon les règles usuelles de la comptabilité en partie double, le chiffre d'affaires est défini à l’article 3:90, I.A. de l’arrêté royal du 29 avril 2019 portant exécution du Code des sociétés et des associations (ci-après : AR CSA) comme étant le montant des ventes de biens et des prestations de services à des tiers, relevant de l'activité habituelle de la société. L'application de cette définition de l’AR CSA présuppose toutefois que l’entreprise concernée est soumise à l’obligation de tenir une comptabilité selon les règles usuelles de la comptabilité en partie double.6
Définition du chiffre d'affaires dans le cadre d'une comptabilité simplifiée
Les entreprises qui tiennent une comptabilité simplifiée doivent, en vertu de l’article I.1, alinéa 1er, 16° du CDE, entendre par chiffre d'affaires le montant des recettes autres que non récurrentes7 , à l’exclusion de la TVA. Dans ce cas, le terme recettes désigne toutes les recettes, qu’elles constituent ou non un produit conformément à la pratique d'une comptabilité selon les règles de la comptabilité en partie double.
Exemple 1
Ainsi, la vente d'une machine servant de façon durable à l’activité de l’entreprise pour un montant de 100 représente une recette de 100, quelle qu’aurait été sa valeur comptable si la comptabilité avait été tenue selon les règles de la comptabilité en partie double. En cas de comptabilité tenue selon les règles de la comptabilité en partie double, seule la différence entre la valeur comptable et le prix de vente est comptabilisée en tant que produit dans le compte de résultats. Toutefois, si la vente d'une telle machine n’est pas récurrente, ce qui est souvent le cas, elle ne doit pas être prise en considération dans le calcul du chiffre d’affaires. Par récurrent, l’on entend que les recettes sont courantes pour l’entité concernée, et donc non exceptionnelles.
Exemple 2
Une société en nom collectif achète et vend régulièrement des actions individuelles via euronext. La vente d'une action pour un montant de 100 signifie une recette de 100, quelle qu’aurait été sa valeur comptable si la comptabilité avait été tenue selon les règles de la comptabilité en partie double. En cas de comptabilité tenue selon les règles de la comptabilité en partie double, seule la différence entre la valeur comptable et le prix de vente est comptabilisée en tant que produit dans le compte de résultats.
Exemple 3
Le patrimoine d'une société simple est composé de titres financiers et d'un compte en banque ; elle n'a pas de dettes. La société simple a gardé ces titres financiers tels quels depuis de nombreuses années. Ils se composent de 9 pour cent d’actions dans une société anonyme et rapportent des dividendes annuels de 130.000 euros. Au cours de l’exercice, un dividende de 130.000 euros est de nouveau reçu, ainsi qu'un superdividende de 400.000 euros ; 1 pour cent des titres financiers sont ensuite vendus pour un montant de 300.000 euros. Le compte en banque génère des intérêts de 300 euros au cours de l’exercice. Le montant des recettes autres que non récurrentes s'élève dans ce cas à 130.3008
euros.
Prorata lorsque l’exercice est inférieur ou supérieur à 12 mois
Si l’exercice d'une comptabilité simplifiée a une durée inférieure ou supérieure à douze mois, le calcul est opéré au prorata du nombre de mois que compte cet exercice.9
De l’avis de la Commission, le nombre de mois que compte un exercice inférieur ou supérieur à douze mois pris en compte pour le calcul correspond au nombre de mois effectivement écoulés.10
Premier exercice
Dans le premier exercice où elle est soumise à l’obligation comptable, l’entreprise peut tenir une comptabilité simplifiée s'il ressort des prévisions faites de bonne foi que le seuil de 500.00011 euros ne sera pas dépassé au cours du premier exercice.12
Choix annuel
La constatation du dépassement ou non du seuil pour le chiffre d'affaires a lieu à la date de clôture du dernier exercice clôturé. Si, à cette date, le seuil de 500.000 euros n’a pas été dépassé, l’entreprise soumise à l’obligation comptable peut se contenter de tenir une comptabilité simplifiée. Ce choix s’offre chaque année aux entreprises soumises à l’obligation comptable, quelle que soit la comptabilité utilisée l’année précédente.13
Forme des comptes annuels - aucune obligation de publication
Dans l'état actuel de la législation comptable, il n’existe aucune condition de forme expresse pour les comptes annuels d'une entreprise soumise à l’obligation comptable qui tient une comptabilité simplifiée.14 L’absence de règles d'évaluation spécifiques ne saurait toutefois justifier que l’inventaire soit établi de manière arbitraire. Pour être régulière, une comptabilité doit être vérifiable. Dans cette optique, les données et états résultant du traitement de l'information comptable doivent toujours pouvoir être vérifiés à posteriori. Ceci implique non seulement que chaque opération puisse être suivie de son origine à son dénouement, mais également qu'il doit être possible de remonter aux documents justificatifs.15
En effet, si à la date de clôture du dernier exercice clôturé, le seuil du chiffre d'affaires - ou, respectivement, les recettes autres que non récurrentes - est dépassé, l’entreprise soumise à l’obligation comptable est obligée de tenir une comptabilité selon les règles usuelles de la comptabilité en partie double et d'établir des comptes annuels selon le micro-schéma, le schéma abrégé ou le schéma complet des comptes annuels.
La Commission relève que :
- les personnes physiques qui exercent une activité professionnelle à titre indépendant ne sont pas tenues de publier leurs comptes annuels ;16
- les organisations sans personnalité juridique ne sont pas tenues de publier leurs comptes annuels ;17
- les SNC et les SComm ne sont pas tenues de publier leurs comptes annuels si tous les associés à responsabilité illimitée sont des personnes physiques ;18
- les SNC et les SComm ne sont pas tenues de publier leurs comptes annuels si elles sont considérées comme une petite société19 .20
- 1Le présent avis a été élaboré après la publication pour consultation publique d’un projet d’avis le 7 juin 2019 sur le site de la CNC.
- 2La Commission spécifie que l’avis CNC 174/1 - Les principes d'une comptabilité régulière sera adapté sous peu aux modifications induites par la modernisation du droit des entreprises.
- 3Le seuil de 500.000 euros est porté à 620.000 euros pour les entreprises qui pratiquent à titre principal la vente au détail d’hydrocarbures, gazeux ou liquides, destinés à la propulsion des véhicules automobiles circulant sur la voie publique (article 1er, alinéa 2, AR CDE).
- 4Article I.5, CDE, avant la modification apportée par la loi du 15 avril 2018 portant réforme du droit des entreprises.
- 5Et également de la suppression de la notion de commerçant.
- 6Voir également la justification de l’amendement n° 440 (approuvé), Doc. parl. Chambre, Doc. 54 3119/013, p. 70.
- 7Article I.1, alinéa 1er, 16° du CDE tel qu’inséré par la loi du 23 mars 2019 introduisant le Code des sociétés et des associations et portant des dispositions diverses.
- 8130.000 euros de dividendes et 300 euros d'intérêts.
- 9Article 2, AR CDE.
- 10Conformément à l’avis CNC 2017/03 – Critères de taille – Exercice inférieur ou supérieur à 12 mois.
- 11620.000 euros pour les entreprises soumises à l’obligation comptable qui pratiquent à titre principal la vente au détail d'hydrocarbures, gazeux ou liquides, destinés à la propulsion des véhicules automobiles circulant sur la voie publique.
- 12Article 3, AR CDE. Le cas échéant, à prorater si la durée du premier exercice est inférieure ou supérieure à douze mois.
- 13Contrairement à la règle de cohérence qui s’applique aux sociétés qui doivent tenir une comptabilité en partie double. Cette règle de cohérence est reprise à l’article 1:24, § 2 du CSA, rédigé comme suit : « Le fait de dépasser ou de ne plus dépasser plus d'un des critères visés au paragraphe 1er [de l’article 1 :24 du CSA] n'a d'incidence que si cette circonstance se produit pendant deux exercices consécutifs. Dans ce cas, les conséquences de ce dépassement s'appliqueront à partir de l'exercice suivant l'exercice au cours duquel, pour la deuxième fois, plus d'un des critères ont été dépassés ou ne sont plus dépassés. ».
- 14L’article III.90, § 2 du CDE ne s’applique pas aux personnes physiques qui tiennent une comptabilité simplifiée (article III.90, § 2, alinéa 4, 1°, CDE). Il n’est pas non plus donné au Roi la compétence pour fixer des critères d'évaluation pour l’établissement de l'inventaire ou des comptes annuels internes par les entreprises soumises à l’obligation comptable qui tiennent une comptabilité simplifiée.
- 15Avis CNC 174/1 - Les principes d'une comptabilité régulière. Concernant l’utilité d'une comptabilité régulière, il est également renvoyé à l’article 1348bis, C.Civ. (la comptabilité comme preuve). Souvent, les pièces justificatives doivent sans doute également pouvoir être présentées pour des raisons fiscales.
- 16Article III.90, § 2, alinéa 4, 6°, CDE.
- 17La société simple n’est pas tenue de publier ses comptes annuels. L'obligation de publication s'applique uniquement aux sociétés dotées de la personnalité juridique.
- 18Article 3:9, CSA.
- 19L’article 1:24 du CSA définit ce qu'il convient d’entendre par petite société. Il s'agit des sociétés dotées de la personnalité juridique qui ne dépassent pas plus d'un des critères suivants : 50 travailleurs, chiffre d'affaires 9.000.000 euros, total du bilan 4.500.000 euros. En ce qui concerne l’application des critères de taille, il est renvoyé aux différents avis publiés par la Commission à ce sujet (notamment les avis CNC 2016/3 – Application des critères de taille visés aux articles 15 et 15/1 C.Soc. et 2017/10 – Critères de taille de l’article 15 C.Soc. – Sociétés liées – Différentes dates de clôture – Modification du périmètre de consolidation).
- 20Article 3:9, CSA.