COMMISSION DES NORMES COMPTABLES

Avis CNC 2021/07 - Influence de l’accord amiable extrajudiciaire et de la réorganisation judiciaire sur les dettes et les créances (mise à jour)

Avis du 9 décembre 20201

Introduction

La loi du 11 août 2017 a inséré dans le Code de droit économique le livre XX « Insolvabilité des entreprises ». L’objectif de l’insertion de ce livre XX est de rendre les lois ayant trait à l’insolvabilité2  plus cohérentes et de les insérer comme un tout rationnel dans le Code de droit économique3 .

Par ailleurs, le législateur a dans la loi du 15 avril 2018 défini la notion « d’entreprise ». En effet, il existait une multitude de définitions d’entreprises selon les législations4 . La notion d’entreprise se trouve aujourd’hui à l’article I.1 du Code de droit économique. Cette définition a pour but de couvrir tous les acteurs actifs sur le plan économique5

Sont visées comme entreprise les personnes physiques qui exercent une activité professionnelle à titre d’indépendant, les personnes morales et les organisations sans personnalité juridique6 . Par conséquent, les ASBL, les AISBL et les fondations ainsi que les sociétés simples sont considérées comme des entreprises et tombent sous le champ d’application du Code de droit économique, et plus précisément, du livre XX du Code de droit économique7

Le législateur ayant inséré la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises dans le livre XX du Code de droit économique a conservé la procédure de l’accord amiable extrajudiciaire et de la réorganisation judicaire.  

Un accord amiable extrajudiciaire implique que le débiteur propose à minimum deux créanciers un accord amiable en vue de l’assainissement de sa situation financière ou de la réorganisation de son entreprise. Les parties conviennent librement de la teneur de cet accord, sans intervention du juge8 .  

La procédure de réorganisation judiciaire a pour but de préserver, sous le contrôle du juge, la continuité de tout ou partie de l’entreprise en difficulté ou de ses activités. La procédure de réorganisation judiciaire vise à permettre la conclusion d’un accord amiable, à obtenir l’accord collectif des créanciers sur un plan de réorganisation ou à permettre le transfert sous autorité de justice, de tout ou partie de l’entreprise ou de ses activités9 .   

L’objectif essentiel de chaque accord est d’éviter la faillite. Dans ce but, il sera souvent accordé au débiteur, que ce soit dans le cadre d’un accord amiable extrajudiciaire ou d’une réorganisation judiciaire, un délai de paiement et/ou l’abandon de la dette à concurrence de maximum 80 %. Cet abandon de créance peut être soumis à la condition résolutoire de retour du débiteur à meilleure fortune10 . Il peut également être convenu que le débiteur remboursera son prêt sans intérêt. Il peut encore être proposé aux créanciers de convertir (une partie de) leur créance en capital pour les sociétés avec capital, en apport pour les sociétés sans capital et en fonds pour les ASBL, AISBL et les fondations. 

Vu la diversité des accords possibles, la portée réelle de l’accord devra être examinée dans chaque cas d’espèce et traduite dans la comptabilité et les comptes annuels. Par application de l’article 3:2  de l’arrêté royal portant exécution du Code des sociétés et des associations (ci-après : AR CSA.), la portée de l’accord est précisée dans l’annexe. 

Dans le présent avis, la Commission se limite à l’analyse de l’influence de l’accord amiable extrajudiciaire et de la réorganisation judiciaire sur les dettes et les créances dans le chef des sociétés (avec ou sans capital), des ASBL, des AISBL et des fondations tenant une comptabilité en partie double11

Le présent avis remplace l’avis CNC 2011/9 – Influence de l’accord amiable extrajudiciaire et de la réorganisation judiciaire sur les dettes et les créances.

Traitement comptable de l’abandon de créance

Sociétés (avec ou sans capital)

Dans le chef du débiteur

Lorsque l’accord amiable extrajudiciaire ou la réorganisation judiciaire prévoit un abandon de créance total ou partiel, la dette cesse de grever effectivement le patrimoine du débiteur, même si cette remise est soumise à une condition résolutoire12 . Par conséquent, la dette en question sera annulée du passif du débiteur, ce qui entraînera un accroissement patrimonial. Cette modification de la situation sera exprimée dans le compte de résultats sous le poste Autres produits  d’exploitation non récurrents ; la nature de ce produit est précisée dans l’annexe.  

44 ou 175 Dettes commerciales    
  à 764-768 Autres produits d’exploitation non récurrents13    

Cette écriture doit être passée, lors d’un accord amiable extrajudiciaire, au moment de la conclusion de l’accord entre les parties, lors d’une réorganisation judiciaire par accord amiable au moment où le tribunal constate l’accord et, lors d’une réorganisation judiciaire par un accord collectif, à la date de l’homologation du plan de réorganisation par le tribunal.  

L’article 48/1 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après: CIR 92) prévoit que sont exonérés selon les modalités d'application fixées par le Roi, les bénéfices provenant de moins-values actées par le débiteur sur des éléments du passif à la suite de l'homologation par le tribunal d'un plan de réorganisation ou à la suite de la constatation par le tribunal d'un accord amiable en vertu du livre XX, titre V du Code de droit économique14 . Cette exonération ne s’applique que pour les réorganisations judiciaires (accord amiable et accord collectif). Cette exonération n’est pas accordée dans le cadre d’un accord amiable extrajudiciaire.

L'exonération visée à l'article 48/1 CIR 92 n’est accordée définitivement que pendant l'exercice d'imposition afférent à la période imposable au cours de laquelle le plan de réorganisation homologué par le tribunal ou l'accord amiable15 constaté par le tribunal est intégralement exécuté16 . Par dérogation à ce principe, une exonération temporaire et conditionnelle peut être obtenue avant l’exécution intégrale du plan ou de l’accord pour les produits provenant de l’abattement de la dette, si certaines conditions sont remplies. Une des conditions est que les bénéfices exonérés soient et restent comptabilisés à un compte distinct du passif jusqu'à la date à laquelle le plan de réorganisation ou l'accord amiable17  est intégralement exécuté18 .

Si le débiteur souhaite bénéficier de cette exonération temporaire, il devra, de l’avis de la Commission, constituer une réserve immunisée à concurrence du montant des produits non récurrents.

689 Transfert aux réserves immunisées    
  à 132 Réserves immunisées    

Suite à l’exonération fiscale définitive, le débiteur peut en principe transférer directement le montant des réserves immunisées aux réserves disponibles19 . La Commission est toutefois d’avis que la comptabilisation d’un prélèvement sur les réserves immunisées, suivie par l’affectation du résultat (par exemple par une dotation aux réserves disponibles) est plus appropriée. En effet, un transfert direct des réserves immunisées aux réserves disponibles impliquerait que le montant correspondant au montant de l’exonération définitive ne serait jamais repris dans le résultat à affecter. Ceci irait également à l’encontre du fonctionnement des comptes 68 et 78, repris dans le plan comptable minimum normalisé.

Si la réduction de dette est soumise à une condition résolutoire, il en est fait mention dans l’annexe ainsi que dans la comptabilité sous la classe 0. Lors de la réalisation éventuelle de la condition résolutoire, la dette latente redevenue effective sera de nouveau inscrite au passif. Cette mutation patrimoniale sera exprimée dans le compte de résultats sous le poste Autres charges d’exploitation non récurrentes20 ; la nature de cette charge est précisée dans l’annexe. 

664-667 Autres charges d’exploitation non récurrentes    
  à 44 ou 175 Dettes commerciales    

La réserve immunisée est ensuite reprise, par le biais d’un compte 78.    

132 Réserves immunisées    
  à 789 Prélèvements sur réserves immunisées    

Si l’accord amiable extrajudiciaire ou l’accord amiable/collectif judiciaire est clôturé21  ou révoqué anticipativement, les écritures passées antérieurement seront, le cas échéant, également contre-passées. 

Ces écritures sont contre-passées au moment où la condition se réalise ou au moment où l’accord est clôturé ou révoqué anticipativement.

Dans le chef du créancier

En général, l’accord entraînera pour le créancier, sauf si sa créance est suffisamment garantie, le transfert de sa créance vers le compte créances douteuses22 .   

2907 ou 407 Créances commerciales: créances douteuses    
  à 290 ou 40 Créances commerciales    

Si le créancier a accordé une réduction de sa créance sous la condition résolutoire de retour à meilleure fortune, il devra, à concurrence du même montant, acter une réduction de valeur23 , pour autant que celle-ci n’ait pas déjà été actée précédemment.

6330 Réductions de valeur sur créances commerciales à plus d’un an: dotations    
  à 2909 Créances commerciales: réductions de valeur actées (-)    

ou

6340 Réductions de valeur sur créances commerciales à un an au plus: dotations    
  à 409 Créances commerciales: réductions de valeur actées (-)    

Si l’abandon de créance est définitif, et n’est donc pas soumis à la condition résolutoire de retour à meilleure fortune, il convient de comptabiliser une moins-value réalisée (compte 642 Moins-values sur réalisations de créances commerciales).

L’article 48, alinéa 2 CIR 92 prévoit une exonération fiscale explicite pour les réductions de valeur sur les créances sur les cocontractants pour lesquels un plan de réorganisation a été homologué ou un accord amiable a été constaté par le tribunal en vertu du livre XX, titre V du Code de droit économique24 . Cette exonération ne vaut que pour les réorganisations judiciaires (accord amiable et collectif). Les réductions de créances dans le cadre d’un accord amiable extrajudiciaire ne relèvent pas de l’article 48, alinéa 2. Les règles générales leur demeurent applicables. 

Lors du règlement définitif de la créance25 , les créances et les réductions de valeur actées sortiront de la comptabilité. En cas de paiement d’une fraction, le résultat sera acté dans les comptes 642 Moins-values sur réalisation de créances commerciales ou 6331 Réductions de valeur sur créances commerciales à plus d’un an : reprises (-) / 6341 Réductions de valeur sur créances commerciales à un an au plus : reprises (-)26 .

[550 Etablissements de crédit : comptes courants]    
[642 Moins-values sur réalisation de créances commerciales]    
409 Créances commerciales : réductions de valeur actées (-)    
  à 407 Créances commerciales : créances douteuses    

ou

[550 Etablissements de crédit : comptes courants]    
409 Créances commerciales : réductions de valeur actées (-)    
  à 407 Créances commerciales : créances douteuses    
    [6331 Réductions de valeur sur créances commerciales à plus d’un an : reprises]    
    ou      
    [6341 Réductions de valeur sur créances commerciales à un an au plus : reprises]    

Si la remise de la dette est soumise à une condition résolutoire, le droit du créancier de réclamer le paiement intégral de sa créance latente au moment de la réalisation de la condition résolutoire par le débiteur, est repris à l'annexe et mentionné dans la comptabilité sous la classe 0. Si la condition se réalise, l’abandon de créance prend fin et la réduction de valeur actée est reprise.

Si l’accord est clôturé ou révoqué anticipativement, la réduction de valeur actée sera maintenue, entièrement ou partiellement, selon que le remboursement de la créance à l’échéance est, en tout ou en partie, incertain27 .

Les principes énoncés sous II.A.1. et II.A.2. trouvent également à s'appliquer, sous réserve des exonérations fiscales, lorsque l'abandon de créance (sous une condition résolutoire ou non) découle d'un accord bilatéral entre le débiteur et le créancier en difficulté financière, dans un autre cadre que celui du livre XX du Code de droit économique28

ASBL, AISBL et fondations 

Le traitement comptable de l’abandon de créance dans le chef d’une ASBL, AISBL et d’une fondation est similaire à celui des sociétés. 

Les articles 48 et 48/1 CIR 92 s’appliquent uniquement si l’ASBL, l’AISBL ou la fondation est assujettie à l’impôt des sociétés. 

La Commission renvoie au point II.A relatif aux sociétés (avec ou sans capital) pour le traitement comptable de l’abandon de créance. 

Traitement comptable de dettes non productives d’intérêt

Sociétés (avec ou sans capital)

Dans le chef du débiteur

Conversion d’une dette résultant de la livraison de biens et services ou d’une autre dette en une dette non productive d’intérêt, remboursable sur plusieurs années ou non

Le débiteur n’est plus tenu de comptabiliser ni les paiements d’intérêts, ni les charges. La dette ne doit pas faire l’objet d’un escompte, étant donné que l’article 3:55 juncto l’article  3:45, § 2, c de l’AR CSA. n’est pas applicable. L’application d’un escompte conduirait à acter une charge à reporter qui ne représenterait pas une correction d’un prix d’acquisition injustifié ou d’une charge actée29 .

Obtention d’un prêt non productif d’intérêt

Le débiteur doit comptabiliser le montant à rembourser comme une dette. Cette dette ne doit pas non plus faire l’objet d’un escompte, étant donné que l’article 3:55 juncto l’article 3:45 de l’AR CSA. ne sont pas applicables dans ce cas. Etant donné que des intérêts ne sont pas dus, il va de soi que ceux-ci ne doivent pas être pris en résultat. 

Dans le chef du créancier

Conversion d’une créance résultant de la livraison de biens et services ou d’une créance productive d’intérêt en une créance non productive d’intérêt, remboursable sur plus d’un an ou non

La créance qui a été convertie, en faveur du débiteur confronté à des difficultés financières, en une créance non productive d'intérêt, ne doit pas faire l’objet d’un escompte. En effet, l’article 3:45, § 2, c de l’AR CSA n’est pas applicable étant donné qu’au moment de son entrée dans le patrimoine de l’entreprise, la créance était productive d’intérêt30 . Cependant, la créance peut être considérée comme douteuse, et en vertu de l’article 3:46 AR CSA une réduction de valeur peut être actée.

Attribution d’un prêt non productif d’intérêt

Si, dans le cadre d’un accord, le créancier renonce à la créance d’intérêts, l’article 3:45, § 2, c de l’AR CSA n’est pas applicable, mais la comptabilisation d’une réduction de valeur sur cette créance peut raisonnablement être envisagée31 .

ASBL, AISBL et fondations 

Le traitement comptable des dettes non productives d’intérêt dans le chef des ASBL, AISBL et fondations est similaire à celui des sociétés. 

La Commission renvoie au point III. A. 

Traitement comptable de la conversion (d’une partie) de la créance en capital, en apport ou en fonds propres

Le débiteur peut également convenir avec le créancier que sa créance sera convertie (en tout ou en partie) en capital pour les sociétés de capitaux, en apport pour les sociétés sans capital ou en fonds propres pour les ASBL, AISBL et les fondations. Si une partie de la dette est remise, cette partie devra être supprimée32  du passif du débiteur et le créancier devra acter une réduction de valeur sur sa créance33 .  

Les sociétés avec capital 

Dans le chef du débiteur 

La Commission observe qu’il n’y a pas d’unanimité dans la doctrine en ce qui concerne la valeur à laquelle la créance doit être apportée34 .

Selon certains auteurs, l’apport doit être réalisé à la valeur économique réelle35 . En d’autres termes, la créance devrait être évaluée compte tenu de ses possibilités de remboursement. De l’avis de ces auteurs, l’apport à la valeur nominale pourrait entraîner une fausse image de rétablissement financier de la société bénéficiaire de l’apport.  

D’autres auteurs estiment en revanche que la créance peut être apportée à sa valeur nominale36 . L’évaluation de l’apport ne devrait pas être réalisée d’un point de vue de liquidation, vis-à-vis des tiers, mais du point de vue de la société bénéficiaire de l’apport, et donc en se basant sur la valeur dite de « going concern ». 

De l’avis de la Commission et sur base de la doctrine, la créance peut être apportée à sa valeur nominale ainsi qu’à sa valeur économique. Il reviendra à l’organe d’administration de la société bénéficiaire de l’apport de déterminer la valeur de la créance dans l’acte d’apport37 ,38 . L’apport de la créance en capital représente un apport en nature, dont l’organe d’administration doit justifier l’intérêt. L’organe d’administration doit également fournir une appréciation motivée de la rémunération de l’apport.

L’opération aurait de toute façon pour conséquence que l’actif net de la société augmente à concurrence de la valeur nominale de la créance, étant donné que la créance apportée ne constitue plus une dette exigible mais qu’elle a été convertie en fonds propres.  

Exemple 1

Une société à capital connaît des difficultés financières et un de ses créanciers propose de convertir une dette avec une valeur nominale de 100.000 euros en capital.

Le bilan de la société en difficulté (avant l’apport de la créance) se présente comme suit :

Bilan
Actifs 200.000 Capital 100.000
    Pertes -150.000
    Dettes 250.000

 

Hypothèse 1 : la créance est apportée à sa valeur nominale

44 ou 175 Dettes commerciales 100.000  
  à 100 Capital souscrit   100.000

Après l’apport de la créance, le bilan de la société se présente comme suit :

Bilan
Actifs 200.000 Capital 200.000
    Pertes -150.000
    Dettes 150.000

 

Hypothèse 2 : la créance est apportée à sa valeur économique

La valeur économique de cette créance est estimée à 80.000 euros. Le débiteur réalisera une augmentation de capital à concurrence de 80.000 euros et il devra comptabiliser un produit à concurrence de 20.000 euros restants.

44 ou 175 Dettes commerciales 80.000  
  à 100 Capital souscrit   80.000
44 ou 175 Dettes commerciales 20.000  
  à 764-768 Autres produits d’exploitation non récurrents39   20.000
689 Transferts aux réserves immunisées 20.000  
  à 132 Réserves immunisées   20.00040

Après l’apport de la créance, le bilan de la société  se présente comme suit (dans l’hypothèse où la société remplit la condition d'intangibilité visée à l’article 27/1, § 2 AR CIR 92) :

Bilan
Actifs 200.000 Capital 180.000
    Réserves immunisées 20.000
    Pertes -150.000
    Dettes 150.000

Dans le chef du créancier

L’article 3:19, § 1er de l’AR CSA  stipule que la valeur d'acquisition des participations, actions ou parts reçues en rémunération d'apports ne consistant pas en numéraire ou résultant de la conversion de créances, correspond à la valeur conventionnelle des biens et valeurs apportés ou des créances converties.

Exemple 2 

Supposons que le créancier avait déjà comptabilisé une moins-value de 10.000 euros sur sa créance et qu’il reçoit pour l’apport de sa créance des actions avec une valeur réelle de 80.000 euros. Par conséquent, il devra passer l’écriture suivante :

28 Immobilisations financières 80.000  
ou 510 Placements de trésorerie (valeur d’acquisition des actions)    
409 Créances commerciales : réductions de valeur actées (-) 10.000  
642 Moins-values sur réalisation de créances commerciales 10.000  
  à 407 ou 2907 Créances commerciales: créances douteuses   100.000

Les sociétés sans capital 

Dans le chef du débiteur

Le traitement comptable est similaire à celui de la conversion d’une créance en capital41  dans le chef du débiteur (comme expliqué au point IV. A. 1.). Toutefois, les comptes utilisés sont différents.  

En raison de la divergence doctrinale concernant la valeur à laquelle la créance doit être apportée, une distinction doit également être établie selon que la créance est évaluée à sa valeur nominale ou à sa valeur économique. 

Exemple 3 

Une société sans capital connaît des difficultés financières et un de ses créanciers propose de convertir une dette avec une valeur nominale de 100.000 euros en apport.

Le bilan de la société en difficulté (avant l’apport de la créance) se présente comme suit :

Bilan
Actifs 200.000 Apport 100.000
    Pertes -150.000
    Dettes 250.000

 

Hypothèse 1 : la créance est apportée à sa valeur nominale

44 ou 175 Dettes commerciales 100.000  
  à 1109 Autre apport disponible hors capital   100.000

Après l’apport de la créance, le bilan de la société se présente comme suit:

Bilan
Actifs 200.000 Apport 200.000
    Pertes -150.000
    Dettes 150.000

 

Hypothèse 2 : la créance est apportée à sa valeur économique

La valeur économique de cette créance est estimée à 80.000 euros. Le débiteur réalisera une augmentation d’apport à concurrence de 80.000 euros et il devra comptabiliser un produit à concurrence de 20.000 euros restants.

44 ou 175 Dettes commerciales 80.000  
  à 1109 Autre apport disponible hors capital   80.000
44 ou 175 Dettes commerciales 20.000  
  à 764-768 Autres produits  d’exploitation non récurrents42   20.000
689 Transferts aux réserves immunisées 20.000  
  à 132 Réserves immunisées   20.00043

Après l’apport de la créance, le bilan de la société se présente comme suit (dans l’hypothèse où la société remplit la condition d'intangibilité visée à l’article 27/1, § 2 AR CIR 92) :

Bilan
Actifs 200.000 Apports 180.000
    Réserves immunisées 20.000
    Pertes -150.000
    Dettes 150.000

Dans le chef du créancier 

Le traitement comptable est similaire à celui d’une conversion de créance en capital dans le chef du créancier. La Commission renvoie au point IV. A. 2.

ASBL, AISBL et fondations

Dans le chef du débiteur 

Le traitement comptable est similaire à celui de la conversion d’une créance en capital44  dans le chef du débiteur (comme expliqué au point IV. A. 1). Toutefois, les comptes utilisés sont différents. 

En raison de la divergence doctrinale concernant la valeur à laquelle la créance45  doit être apportée, une distinction doit également être établie selon que la créance est évaluée à sa valeur nominale ou à sa valeur économique. 

Exemple 4 

Une ASBL connaît des difficultés financières et un de ses créanciers propose de convertir une dette avec une valeur nominale de 100.000 euros en fonds.

Le bilan de l’association en difficulté (avant l’apport de la créance) se présente comme suit :

Bilan
Actifs 200.000 Fonds 100.000
    Pertes -150.000
    Dettes 250.000

 

Hypothèse 1 : la créance est apportée à sa valeur nominale

XX Dettes 100.000  
  à 10 Fonds de l’association ou de la fondation   100.000

Après l’apport de la créance, le bilan de l’ASBL se présente comme suit:

Bilan
Actifs 200.000 Fonds 200.000
    Pertes -150.000
    Dettes 150.000

 

Hypothèse 2 : la créance est apportée à sa valeur économique

La valeur économique de cette créance est estimée à 80.000 euros. Le débiteur réalisera une augmentation des fonds à concurrence de 80.000 euros et il devra comptabiliser un produit à concurrence de 20.000 euros restants.

XX Dettes 80.000  
  à 10 Fonds de l’association ou de la fondation   80.000
XX Dettes 20.000  
  à 764-768 Autres produits d’exploitation non récurrents46   20.000

Si l’association n’est pas une personne morale soumise à l’impôt des personnes morales, elle est soumise à l’impôt des sociétés :

689 Transferts aux réserves immunisées 20.000  
  à 132 Réserves immunisées   20.00047

Après l’apport de la créance, le bilan de l’association se présente comme suit (dans l’hypothèse où l’association remplit la condition d'intangibilité visée à l’article 27/1, § 2 AR CIR 92) :

Bilan
Actifs 200.000 Fonds 180.000
    Réserves immunisées 20.000
    Pertes -150.000
    Dettes 150.000

Si l’association est une personne morale soumise à l’impôt des personnes morales, le bilan de l’association se présente comme suit après l’apport de la créance :

Bilan
Actifs 200.000 Fonds 180.000
    Pertes -130.000
    Dettes 150.000

Dans le chef du créancier 

Dans le chef du créancier, la conversion de la créance en fonds propres de l’association entraînera la comptabilisation d’une charge d'exploitation non récurrente.

  • 1Le présent avis a été élaboré après la publication pour consultation publique d’un projet d’avis le 17 mars 2020 sur le site de la CNC.
  • 2Loi du 8 août 1997 sur les faillites, M.B., 28 octobre 1997, p. 28562 ; Loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises, M.B., 9 février 2009, p. 8436.
  • 3Projet de loi portant insertion du Livre XX “Insolvabilité des entreprises”, dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au livre XX, et des définitions d’application au livre XX, dans le livre I du Code de droit économique, Exposé des motifs, Doc. Parl., Ch. repr., sess. ord. 2016-2017, n°54-2407/001, p. 4.
  • 4Projet de loi portant réforme du droit des entreprises, Exposé des motifs, Doc. Parl., Ch. repr., sess. ord. 2017-2018, n° 54-2828/001, p. 4.
  • 5Projet de loi portant réforme du droit des entreprises, Exposé des motifs, Doc. Parl., Ch. repr., sess. ord. 2017-2018, n° 54-2828/001, p. 4.
  • 6Code de droit économique, article I.1, alinéa 1er, 1°.
  • 7Les associations de fait sont exclues du champ d’application du livre XX du Code de droit économique. L’article I.1, alinéa 1er, 1°, CDE dispose que : « (…) Nonobstant ce qui précède, ne sont pas des entreprises, sauf s'il en est disposé autrement dans les livres ci-dessous ou d'autres dispositions légales prévoyant une telle application:
    (a) toute organisation sans personnalité juridique qui ne poursuit pas de but de distribution et qui ne procède effectivement pas à une distribution à ses membres ou à des personnes qui exercent une influence décisive sur la politique de l'organisation;
    (…) ».
  • 8Code de droit économique, article XX.37.
  • 9Code de droit économique, article XX.39.
  • 10Un abandon de créance sous réserve de retour à meilleure fortune signifie que le créancier se réserve le droit de recouvrer sa créance à nouveau si la situation financière du débiteur s’améliore.
  • 11La Commission n’analysera pas la question de l’influence d’un accord amiable extrajudiciaire et de la réorganisation judiciaire sur les dettes et les créances dans le chef de sociétés tenant une comptabilité simplifiée (article 1, alinéa 1er, Arrêté royal portant exécution des articles III.82 A III.95 du Code de droit économique). En effet, ces sociétés ne doivent pas publier leurs comptes annuels. En outre, la Commission n’analysera pas les ASBL, AISBL et fondations tenant une comptabilité simplifiée. Dans leur chef, une diminution des dettes figurant au schéma de l’inventaire suffit. Il sera également fait abstraction des aspects concernant la TVA.
  • 12Cf. Circulaire n° Ci.RH.421/336.698 du 17.03.1983 (Bull. contr. 1983, n° 617, 1175).
  • 13S’il ne s’agit pas de dettes commerciales, il convient d’utiliser le compte 769 Autres produits financiers non récurrents.
  • 14Voy. P. SMET et S. MARTIN, « Entreprises en difficulté : la réduction de dette sera exonérée », Fiscologue, 2009, n° 1145, p. 1 ; C. VAN CRAEYVELT et F. VANBIERVLIET, « Commentaire des aspects fiscaux de la nouvelle loi relative à la continuité des entreprises », Accountancy & Fiscalité, 2009, p. 1.
  • 15Est visé ici la réorganisation judiciaire par accord amiable.
  • 16Article 27/1, § 1er, AR CIR 92.
  • 17Est visé ici la réorganisation judiciaire par accord amiable.
  • 18Pour les autres conditions, voir l’article 27/1, § 2, AR CIR 92.
  • 19Avis CNC 121/3 – Mouvements des capitaux propres.
  • 20Ou le poste Autres charges financières non récurrentes s’il ne s’agit pas de dettes commerciales.
  • 21Cf. Code de droit économique, article XX.63.
  • 22Pour autant que ce transfert n’ait pas déjà eu lieu.
  • 23Si la créance comprend en partie la TVA calculée sur des services et biens livrés, la réduction de valeur ne concernera pas le montant de la TVA, étant donné que, dans le cadre de la LCE, conformément à l’article 3 AR TVA n° 4, une créance en restitution de la TVA prend naissance (article 81 LCE). En dehors du cadre de la LCE, une créance en restitution de la TVA naîtrait également dans le chef du créancier, conformément aux conditions déterminées dans l’article 77 Code TVA et l’AR n° 4.
  • 24Article 48, alinéa 1 CIR 92 ; P. SMET ET S. MARTIN, « Entreprises en difficulté : la réduction de dette sera exonérée », Fiscologue, 2009, n° 1145, p. 1.
  • 25Par exemple en cas d’exécution intégrale de l’accord amiable ou du plan de réorganisation.
  • 26Une plus-value sera réalisée si, lors de la remise partielle d’une dette, l’entreprise a comptabilisé une réduction de valeur trop importante. Par exemple, une entreprise, qui a abandonné la moitié de sa créance, estime que, vu la situation financière douteuse de son débiteur, la perte sera plus grande et comptabilise une réduction de valeur à concurrence de 80 % de la créance. Si le débiteur rembourse comme convenu la moitié de la créance, une plus-value sera constatée sur la réalisation de la créance.
  • 27Article 3:46, AR CSA.
  • 28Les exonérations fiscales ne sont applicables que dans le cadre du livre XX, titre V du Code de droit économique.
  • 29Cf. l’avis 137/8 – Conversion d'une créance résultant de la livraison de biens et services en un prêt à plus d'un an non productif d'intérêt, Bulletin CNC, n° 23, décembre 1988, 5-6.
  • 30Cf. l’avis 137/8 – Conversion d’une créance résultant de la livraison de biens et services en un prêt à plus d’un an non productif d’intérêt, Bulletin CNC, n° 23, décembre 1988, 5-6.
  • 31Cf. le Rapport au Roi précédent l’AR du 6 novembre 1987: « Si l'absence - ou l'abandon d'intérêts - concerne une créance consolidée ou consentie dans le cadre d'un accord concordataire, l'article 27bis ne trouve pas à s'appliquer, mais la moins-value qui en résulte justifiera la prise en charge d'une réduction de valeur».
  • 32Voir point II.A.1.
  • 33Voir point II.A.2.
  • 34La plupart des auteurs se limitent à donner un aperçu des différentes opinions sur le sujet.
  • 35M. MASSAGÉ, « Evaluation de l’apport à une société qui a perdu la totalité de son capital d’une créance sur cette société » Rec. Gén. Enr. Not., 1979, nr. 22333 , p. 41 (G. KLEYNEN a réagi à l’article de Massagé dans l’« Evaluation de l’apport à une société qui a perdu la totalité de son capital d’une créance contre cette société », Rec. Gén. Enr. Not., 1979, nr. 22378, p. 161), P. VAN OMMESLAGHE, « Les liquidations volontaires et les concordats », in L’entreprise en difficulté, Brussel, Editions de jeune barreau, 1981, 458 et J. VAN RYN, Principes de droit commercial, I, Brussel, Bruylant, 1954, p. 492.
  • 36B. VAN BRUYSTEGEM, De vennootschappenwet 1984. Na de Tweede en de Vierde Richtlijn, 1984, p. 41. J. KIRKPATRICK, « Les procédures de récupération des pertes fiscales » in L’entreprise en difficulté, Brussel, Editions de jeune barreau, 1981, p. 258 ; G. KLEYNEN « Evaluation de l’apport à une société qui a perdu la totalité de son capital d’une créance contre cette société », Rec. Gén. Enr. Not. 1978, 169, nr. 22236 en M. WYCKAERT, Kapitaal in N.V. en B.V.B.A. Vermogens- en kapitaalvorming door inbreng, Kalmthout, Biblo, 1995, p. 133. L’avocat général Tesauro estime également que la créance doit être évaluée du point de vue de la société bénéficiaire de l’apport, sans tenir compte de sa solvabilité, et qu’elle peut, par conséquent, être apportée à sa valeur nominale (Conclusion auprès de la Cour de Justice C-83/91, Meilicke, § 15-16).
  • 37Il reviendra à l’assemblée générale d’approuver cette évaluation, sauf si le capital est augmenté dans les limites du capital autorisé (article 7:177, CSA). Un commissaire ou un réviseur d’entreprises devra examiner la description et l’évaluation de cette créance (article 7:197, CSA).
  • 38La cour d’appel de Gand souscrit à la position de la Commission des normes comptables qu’une créance convertie en capital peut être apportée à sa valeur nominale ainsi qu’à sa valeur économique et décide que tant la société bénéficiaire de l’apport que la société apporteuse doivent appliquer la même valeur (Cour d’appel de Gand, n° 2019/1590, 26 février 2019). Un pourvoi en cassation contre cet arrêt de la cour d’appel de Gand a été rejeté par la Cour de Cassation (arrêt n° F.19.0081.N du 11 juin 2020).
  • 39S’il ne s’agit pas de dettes commerciales, il convient d’utiliser le compte 769 Autres produits financiers non récurrents.
    Si la conversion de la créance en capital s’inscrit dans le cadre de l’homologation par le tribunal d'un plan de réorganisation ou de la constatation par le tribunal d'un accord amiable en vertu du livre XX, titre V du Code de droit économique, les produits non récurrents de 20.000 euros pourront être exonérés en vertu de l’article 48/1 CIR 92.
  • 40Dans l’hypothèse où l’entreprise remplit la condition d'intangibilité visée à l’article 27/1, § 2, AR CIR 92.
  • 41Pour les sociétés sans capital, il s’agit d’une conversion (d’une partie) de la créance en apport.
  • 42S’il ne s’agit pas de dettes commerciales, il convient d’utiliser le compte 769 Autres produits financiers non récurrents. Si la conversion de la créance en apport s’inscrit dans le cadre de l’homologation par le tribunal d'un plan de réorganisation ou de la constatation par le tribunal d'un accord amiable en vertu du livre XX, titre V du Code de droit économique, les produits non récurrents de 20.000 euros pourront être exonérés en vertu de l’article 48/1, CIR 92.
  • 43Dans l’hypothèse où l’entreprise remplit la condition d'intangibilité visée à l’article 27/1, § 2, AR CIR 92.
  • 44Pour les ASBL, AISBL et fondations, il s’agit d’une conversion (d’une partie) de la créance en fonds.
  • 45Les règles d’évaluation des créances applicables aux sociétés sont identiques aux règles d’évaluations des créances applicables aux ASBL, AISBL et fondations.
  • 46S’il ne s’agit pas de dettes commerciales, il convient d’utiliser le compte 769 Autres produits financiers non récurrents.
    Le transfert vers les réserves immunisées s’opère uniquement si la personne morale n’est pas soumise à l’impôt des sociétés. Si la conversion de la créance en fonds s’inscrit dans le cadre de l’homologation par le tribunal d'un plan de réorganisation ou de la constatation par le tribunal d'un accord amiable en vertu du livre XX, titre X du Code de droit économique, les produits non récurrents de 20.000 euros pourront être exonérés en vertu de l’article 48/1 CIR 92, uniquement si la personne morale est assujettie à l’impôt des sociétés.
  • 47Dans l’hypothèse où l’entreprise remplit la condition d'intangibilité visée à l’article 27/1, § 2 AR CIR 92.